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19/04/2021

Newsletter Droit social & protection sociale – Avril 2021

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Revue de Jurisprudence sociale
1. Obligation de loyauté

Cass., Soc, 3 mars 2021, n°18-20649

Ne commet pas de manquement à l’obligation de loyauté, le salarié qui dispose d’une carte de visite d’une autre société, établie à son nom, mais qui n’a pas commencé à travailler pour cette société.

En l’espèce, un technico-commercial en conflit avec son employeur a été licencié pour faute lourde au motif de l’exercice d’une activité pour le compte d’une société concurrente.

L’employeur avait découvert la carte de visite d’une autre société sur laquelle figurait le nom de son salarié avec la qualité de « commercial France » ainsi que le numéro du portable qu’il avait mis à sa disposition.

Le salarié a contesté son licenciement devant les juridictions prud’homales au motif qu’il avait le droit de chercher un emploi sans en informer son employeur.

Les juges du fond ont requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse au motif qu’il était démontré l’existence, non pas de simples prises de contacts avec d’éventuels employeurs mais de démarches engagées à un stade très avancé, ce qui constituait un manquement à l’obligation de loyauté.

Ils ont en revanche écarté la faute lourde aux motifs qu’il n’était pas démontré qu’il s’agissait d’une société concurrente et qu’il n’était pas établi qu’il avait commencé à travailler pour cette société, de sorte qu’aucune intention de nuire n’était caractérisée.

Le salarié a porté l’affaire devant la Cour de cassation, qui a censuré les juges d’appel.

Pour la chambre sociale, il n’est pas démontré que le salarié avait, de quelque manière que ce soit, commencé à travailler pour cette société ni que celle-ci était concurrente. Le manquement à l’obligation de loyauté n’est donc pas caractérisé.


2. Télétravail et tickets-restaurant

TJ de Nanterre Pôle social du 10 mars 2021, n°RG : 20-091616

Des salariés en télétravail ne peuvent prétendre au maintien du bénéfice des tickets-restaurant n’étant pas placés dans une situation comparable à celle des salariés travaillant sur site, en l’absence de surcoût lié à leur restauration.

Une organisation syndicale a assigné les membres d’une UES aux fins d’obtenir, sous astreinte, la distribution de tickets restaurant aux salariés de l’UES placés en télétravail depuis le 17 mars 2020 en raison de la crise sanitaire.

La requérante se prévalait du principe de l’égalité de traitement dont doivent bénéficier les salariés en télétravail par rapport aux salariés travaillant dans les locaux de l’entreprise.

L’article 4 de l’ANI du 19 juillet 2015 relatif au télétravail prévoit : « Les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits et avantages légaux conventionnels que ceux applicables aux salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise. »

Le Tribunal a considéré que les télétravailleurs et les salariés travaillant sur site qui n’ont pas accès à un restaurant d’entreprise n’étaient pas placés dans une situation comparable.

L’objectif poursuivi par l’employeur en finançant les titres restaurants est de permettre aux salariés de faire face au surcoût lié à la restauration hors de leur domicile, pour ceux qui seraient dans l’impossibilité de prendre leur repas à leur domicile.

Les salariés en télétravail pouvant prendre leur repas au domicile n’ont aucun surcout lié à la restauration hors domicile.

Au regard des situations différentes justifiant un traitement différent, le Tribunal judiciaire de Nanterre a débouté la requérante de sa demande.

Un jugement du TJ de Paris a été rendu dans le sens contraire le 30 mars 2021 (n°RG : 20/09805).L’argument développé par l’employeur était différent. Il soutenait que les tickets restaurant avaient pour objectif de permettre aux salariés de se restaurer lorsqu’ils n’avaient pas accès à une cuisine pour préparer leur repas.

L’argument a été rejeté par le Tribunal, pour qui la localisation de la cuisine est inopérante.

Reste à attendre la position des juridictions d’appel qui devraient être saisies de la problématique.

Pour mémoire, le Ministère du Travail avait fixé sa position dans son questions-réponses du 20 mars 2020 sur le télétravail :

« Les télétravailleurs doivent continuer, au nom du principe d’égalité de traitement, à bénéficier de tickets restaurant dès lors que les salariés exerçant leur activité dans les locaux de l’entreprise en bénéficient. »


3. Harcèlement moral et enquête menée à l’insu du salarié mis en cause

Cass., Soc., 17 mars 2021, n°18-25597

En cas de dénonciation de faits de harcèlement moral, l’employeur peut diligenter une enquête sur le salarié mis en cause, sans l’en informer ni entendre ses explications.

Un employeur a été alerté par les représentants du personnel de faits de harcèlement moral imputés à une salariée.

L’employeur a sollicité, en accord avec les représentants du personnel, un organisme extérieur spécialisé en risques psychosociaux afin de réaliser une enquête.

Après une série d’entretiens menés avec les collaborateurs de la salariée mise en cause, le rapport d’enquête a conclu que cette dernière avait proféré des insultes à caractère racial et discriminatoire et causé des perturbations graves de l’organisation.

Au vu des conclusions de l’enquête, l’employeur a prononcé son licenciement pour faute grave.

La salariée a alors saisi le Conseil de prud’hommes pour contester son licenciement et a fait valoir que le rapport d’enquête constituait une preuve non recevable sur le fondement l’article L1222-4 du Code du travail, lequel dispose

« Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance ».

La Cour d’Appel a suivi l’argumentation de la salariée en déclarant le compte-rendu illicite (la salariée n’ayant été ni informée ni entendue) et a requalifié le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation a censuré les juges d’appel, au motif que l’enquête réalisée à la suite d’une dénonciation de harcèlement moral n’est pas soumise à l’article L.1222-4 du Code du travail et ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d’un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié.

L’enquête peut donc se faire à l’insu du salarié.


4. Licenciement économique et libellé des recherches de reclassement

Cass., Soc., 17 mars 2021, n°19-11114

L’employeur qui recherche des postes disponibles au sein du groupe pour le reclassement des salariés menacés de licenciement économique n’est pas tenu d’indiquer, dans ses lettres de recherche, l’âge, la formation, l’expérience, la qualification ou l’ancienneté des salariés.

Des salariés licenciés pour motif économique ont contesté leur licenciement sur le terrain du reclassement en reprochant le manque de précision des lettres de recherche de reclassement adressées aux sociétés du groupe qui ne mentionnaient que l’intitulé et la classification des postes de travail supprimés.

La Cour leur a donné raison. Le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse dans la mesure où l’employeur aurait dû, dans ces lettres, apporter des indications concrètes sur le profil des salariés occupant les postes supprimés, relatives notamment à leur âge, formation, expérience, qualification et ancienneté.

La Cour de cassation a censuré les juges d’appel pour violation de la loi et plus particulièrement de l’article L.1233-4 du Code du travail et a jugé que les lettres de recherches de reclassement étaient suffisamment précises.


5. Salarié inapte et refus de propositions de reclassement

Cass., Soc., 24 mars 2021, n°19-21263

L’employeur n’est pas tenu d’informer le salarié inapte de l’impossibilité de lui proposer un autre emploi lorsque ce dernier a refusé les propositions de reclassement.

Un salarié victime d’un accident du travail a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Plusieurs solutions de reclassement ont été proposées au salarié, qui les a toutes refusées. Il a saisi la juridiction prud’homale et a fait grief à son employeur de ne pas lui avoir fait connaître par écrit les motifs qui s’opposaient à ce reclassement avant même d’engager la procédure de licenciement.

Il a été débouté. La Cour de cassation a également rejeté son pourvoi au motif que l’employeur n’est pas obligé d’informer par écrit le salarié de l’impossibilité de son reclassement, si après avoir effectué des recherches et proposé au moins un poste, le salarié inapte a refusé le reclassement.

Si cette solution semble logique, il convient de garder à l’esprit qu’elle suppose que les offres de reclassement soient conformes à l’état de santé et aux compétences du salarié et que l’employeur ait épuisé toutes les solutions de reclassement.


Actualité sociale : Disparition de la Direccte depuis le 1er avril 2021
Les DIRECCTE deviennent les DREETS

Depuis le 1er avril 2021, les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) et les Directions régionales de la cohésion sociale (DRCS) se sont regroupées pour devenir les Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS).