Newsletter Droit social & protection sociale – Mars 2021
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Actualité jurisprudentielle en droit social
Impossibilité matérielle de réintégration du salarié dont le licenciement est nul : absence d’incidence d’un nouveau contrat de travail en cours
Cass. soc., 10 février 2021, n°19-20.397 F-P
Dans cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation juge que le fait pour le salarié – dont le licenciement est jugé comme étant nul – d’être entré au service d’un autre employeur n’est pas de nature à le priver de son droit à réintégration, et ne justifie pas le fait que la réintégration soit matériellement impossible.
Soutenant que la rupture de son contrat de travail pour motif personnel était en lien avec des agissements de harcèlement moral dont il se considérait victime, le salarié a obtenu la nullité de son licenciement et la cour d’appel a également fait droit à sa demande tendant à voir ordonner sa réintégration dans l’emploi précédemment occupé ou dans un emploi équivalent, dans le même secteur géographique, à savoir celui de Marseille, avec le même niveau de rémunération, la même qualification et les mêmes perspectives de carrière, avec reprise de l’ancienneté au 1er septembre 2012 et paiement du salaire conventionnel à compter de la date de la réintégration.
L’employeur faisait grief au juge d’appel d’avoir ainsi jugé alors que la demande de réintégration du salarié était matériellement impossible et ce, dans la mesure où il se trouvait lié par un contrat de travail en cours avec un autre employeur, à savoir la commune d’Ajaccio, renouvelé du 1er janvier 2019 au 31décembre 2021, et qu’il devrait donc préalablement démissionner de son emploi en respectant un préavis de deux mois.
Le pourvoi de l’employeur a été rejeté par la chambre sociale de la Cour de cassation.
Liberté de circulation des représentants du personnel et des représentants syndicaux : restrictions pendant une grève en cas d’abus
Cass. soc., 10 février 2021, n°19-14.021, FS-P+I
Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle que la liberté de circulation des représentants du personnel et des représentants syndicaux au sein de l’entreprise est un principe d’ordre public, qui ne peut donner lieu à restrictions qu’au regard d’impératifs de santé, d’hygiène ou de sécurité ou encas d’abus et qu’elle s’exerce de la même façon en cas de mouvement de grève.
En l’espèce, un mouvement de grève avait été déclenché par les salariés d’un prestataire extérieur auquel le nettoyage des chambres d’un hôtel de luxe avait été confié, portant sur leur statut et leur rémunération. Puis, deux syndicats et plusieurs salariés avaient saisi le président du tribunal de grande instance en invoquant l’entrave et les atteintes au droit de grève dont ils auraient été l’objet.
La chambre sociale de la Cour de cassation approuve la juridiction d’appel d’avoir dit justifiées et proportionnées aux abus constatés les restrictions provisoires imposées par l’employeur, consistant dans un premier temps dans l’interdiction d’accès à l’hôtel, puis, après quelques jours, à conditionner l’accès à l’absence d’utilisation de matériel sonore et d’entrée dans les chambres de l’hôtel.
La dite juridiction avait en effet relevé de la part des représentants participant au mouvement de grève des comportements apportant une gêne anormale au travail des salariés et à la clientèle de l’hôtel par usage de mégaphones et de sifflets dans les couloirs de l’hôtel, interpellation des salariés non-grévistes, distribution de tracts aux clients, entrée de force dans une chambre occupée elle a considéré ces comportements comme abusifs.
Contrat de mission requalifié en CDI et accident du travail : nullité de la rupture intervenue pendant la période de suspension
Cass. soc., 17 février 2021,n°18-15.972, FS-P sur le 3e moyen
Selon les articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail du salarié consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur ne peut rompre ce contrat que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions étant nulle.
En l’espèce, les contrats de mission de travail temporaire d’un salarié avaient été requalifiés en contrat à durée indéterminée à compter du mois de septembre 2008 (en l’absence de justification des cas de recours à l’intérim et du fait d’une embauche sur 4 ans avec très peu d’interruptions sur des postes similaires de même catégorie) et le salarié avait été placé en arrêt de travail dès la survenance d’un accident du travail le 31 octobre 2012, jour du terme de son dernier contrat de mission.
La cour d’appel avait considéré que la rupture constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse – et non un licenciement nul comme le soutenait le salarié – au motif que l’accident du travail survenu n’avait pas fait obstacle à la survenance du terme du contrat de mission dans le cadre duquel le salarié était embauché et que la cause de la rupture n’avait pas été l’accident du travail mais la survenance de ce terme.
La chambre sociale de la Cour de cassation censure les juges d’appel : elle considère qu’à la date de la rupture du contrat de mission requalifié en CDI, le contrat de travail était suspendu du fait de la survenance de l’accident du travail de sorte que la cessation de la relation contractuelle au cours de la période de suspension s’analysait en un licenciement nul.
Des différences de traitement prévues par un accord collectif peuvent être discriminatoires
Cass. soc., 17 février 2021, n°19-20.635, FS-P+I
Par cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation juge que les obligations réciproques des parties au titre d’une clause de non-concurrence sont comprises dans l’objet de la transaction par laquelle ces parties déclarent être remplies de tous leurs droits, mettre fin à tout différend né ou à naître et renoncer à toute action relatifs à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail.
En l’espèce, la Cour d’appel avait fait droit à la demande de la salariée tendant au versement d’une somme au titre de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence en retenant que l’employeur ne justifiait pas avoir expressément levé la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail tant à l’occasion du licenciement que postérieurement à ce dernier et que la transaction litigieuse ne comprenait aucune mention dont il résulterait que les parties au protocole avaient entendu régler la question de l’indemnité de non-concurrence due à la salariée, de sorte que l’employeur ne pouvait exciper de l’autorité de la chose jugée s’attachant au protocole transactionnel.
Ce raisonnement est censuré par la chambre sociale de la Cour de cassation qui considère – au visa des articles 2044, 2052, 2048 et 2049 du code civil. qu’aux termes de la transaction, les parties reconnaissaient que leurs concessions réciproques étaient réalisées à titre transactionnel, forfaitaire et définitif, conformément aux dispositions des articles 2044 et suivants du code civil, et en particulier de l’article 2052 de ce code, ceci afin de les remplir de tous leurs droits et pour mettre fin à tout différend né ou à naître des rapports de droit ou de fait ayant pu exister entre elles et déclaraient, sous réserve de la parfaite exécution de l’accord, être totalement remplies de leurs droits respectifs et renoncer réciproquement à toute action en vue de réclamer quelque somme que ce soit.
Actualité URSSAF
L’URSSAF a récemment mis à jour sa fiche relative aux frais professionnels, et plus particulièrement dans sa partie « Télétravail » s’agissant de la question de l’allocation forfaitaire.
L’URSSAF considérait déjà que, lorsque le salarié en situation de télétravail engage des frais, et que l’employeur lui verse une allocation forfaitaire, celle-ci est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales. Cette exonération est couverte par une limite globale de 10 € par mois pour un salarié effectuant une journée de télétravail par semaine (20€ pour 2 jours par semaine, 30€ pour 3 jours, etc.).
La nouveauté porte sur une éventuelle allocation forfaitaire conventionnelle : l’URSSAF indique que, lorsque l’allocation forfaitaire est prévue par accord (de branche, professionnel ou interprofessionnel ou de groupe), elle est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite des montants prévus par l’accord et ce, dès lors que l’allocation est attribuée en fonction du nombre de jours effectivement télétravaillés.
Actualité de l’équipe Bignon Lebray
Webinaire dédié au télétravail – Jeudi 8 avril 2021
L’équipe Droit social & protection sociale de Bignon Lebray animera le webinaire intitulé « Télétravail : bonnes pratiques pour aborder la sortie de la crise sanitaire » le jeudi 8 avril prochain de 12h30 à 14h00.
Vous pouvez vous inscrire dès à présent en cliquant ici.