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17/01/2025

La NFL et le private equity : Apportez votre argent et non vos méthodes

L’industrie du private equity a marqué une étape historique en concluant ses premiers accords afin d’acquérir des parts dans les équipes de NFL, ligue sportive la plus lucrative au monde.

Ares Management a récemment acquis une participation de 10% dans les Miami Dolphins, une équipe emblématique de la NFL.

Parallèlement, Arctos, un acteur majeur spécialisé dans les investissements sportifs, a dirigé un consortium pour acquérir une participation minoritaire dans les Buffalo Bills.

Ces accords, approuvés par les propriétaires de la NFL, lors de leur réunion à Dallas en décembre dernier, ouvrent une nouvelle ère où les fonds d’investissement pourront détenir directement des parts dans les équipes de football américain.

Ces décisions témoignent d’une transformation majeure des règles de propriété ouvrant la voie à l’implication d’investisseurs institutionnels dans les équipes de NFL, secteur auparavant réservé à des propriétaires individuels ou familiaux.

Aujourd’hui, la valeur moyenne d’une équipe de NFL s’élève à 6,5 milliards de dollars, ce qui complique l’identification de repreneur, même pour une petite participation. Dans le même temps, les fonds disposent de liquidités importantes à investir et sont attirés par la NFL, considérée comme un modèle d’entreprise performant et résistant à la récession.

Aux débuts du private equity, les fonds traditionnels n’investissaient que très rarement dans des équipes sportives. Ils se concentraient uniquement sur l’acquisition d’entreprises classiques, où ils connaissaient un grand succès. Ils étaient réticents à s’intéresser aux « entreprises sportives » souvent difficiles à évaluer et considérées comme plus risquées.

Les choses ont changé lorsque les rendements des franchises sportives ont commencé à surpasser d’autres classes d’actifs clés au cours des 20 dernières années, atteignant des niveaux de rendement annuel comparables à ceux du private equity.

Par exemple, le fonds CVC a été l’un des premiers à réaliser une belle plus-value dans la Formule 1.

De même, Mark Cuban, après avoir acheté les Dallas Mavericks pour 285 millions de dollars, a récemment vendu cette équipe pour plus de 3 milliards de dollars.

Les fonds de private equity fonctionnent selon des règles strictes et des stratégies spécifiques, avec une durée de vie limitée. L’objectif est de restituer l’argent aux investisseurs dans un délai de sept à dix ans.

Les principaux investisseurs dans les fonds, souvent de grandes institutions comme des fonds de pension, examinaient attentivement leur documentation et veillaient à ce que les restrictions soient strictement respectées.

Les acquisitions de cibles par les fonds sont menées avec précaution : diligence raisonnable, approbation des équipes de gestion, documentation juridique solide pour protéger les acheteurs.

Cependant, les restrictions imposées par la NFL impliquent que ces pratiques habituelles des fonds soient adaptées.

Quatre fonds/consortiums ont été approuvés par la NFL et choisis pour leur importance et leur expérience en matière d’investissements sportifs : Arctos Partners, Ares Management, cités précédemment, Sixth Street et un consortium composé de Blackstone, Carlyle, CVC Capital Partners, Dynasty Equity et Ludis).

Habituellement, l’identité des commanditaires reste confidentielle, mais la NFL exige un droit d’information sur les investisseurs dans ces fonds.

Pour le moment, les règles de la NFL interdisent aux fonds souverains d’investir directement dans ses équipes, bien qu’ils puissent le faire par une participation indirecte via un fonds approuvé.

Si l’expérience de la NFL en matière de private equity, à travers les investissements d’Ares Management et d’Arctos, s’avère concluante, cette restriction pourrait être assouplie afin de s’aligner sur les règles de la NBA et de la NHL, qui autorisent les investissements passifs directs.

La réputation et l’image de marque sont importantes. La NFL se réserve le droit, dans certaines circonstances, d’exiger qu’un fonds vende sa participation à une tierce partie approuvée, par exemple lorsque les bénéficiaires effectifs d’un fonds constituent des risques politiques ou de réputation pour la NFL.

L’exigence de détention minimale de six ans pour tout investissement, constitue une restriction notable, excluant ainsi les rendements rapides.

Toutefois, le modèle est en train de changer et il est probable que les fonds investissant dans la NFL soient des fonds à durée indéterminée (« evergreen ») ou des fonds de « continuation ».

Une autre innovation est l’obligation pour les fonds de partager les bénéfices réalisés lors d’une cession avec la NFL. La NFL les redistribuera en partie aux franchises, suivant le modèle utilisé pour les droits médiatiques et les recettes de sponsoring national.

L’acceptation de cette condition par les fonds témoigne de leur confiance dans la rentabilité de leurs investissements. Les autres ligues majeures suivront de près le degré de lucrativité de cette expérience.

Les fonds ne sont pas non plus découragés par les nombreuses limitations imposées par la NFL, et en particulier par la participation maximale de 10 %, inférieure à la limite de 30 % imposée par la NBA, la MLB, la NHL, la MLS et la NWSL. Ils peuvent, notamment, en tant qu’investisseurs passifs et minoritaires, apporter leur expertise en matière de gestion financière, d’incitation, de développement commercial et d’analyse de données.

Une participation de 10 % devrait leur donner une représentation qui leur permettra d’être informés et d’offrir leurs conseils et leur expertise, sans toutefois pouvoir imposer leur point de vue. Il est possible que la limite de 10 % soit portée à 30 % une fois qu’il aura été démontré que les investissements de capitaux privés dans les équipes de la NFL sont bénéfiques.

Enfin, il sera intéressant d’observer les conséquences que peut avoir la détention par les fonds de part dans plusieurs équipes. Bien que la NFL permette un maximum de six équipes par fonds, cela pourrait soulever des problèmes de confidentialité et de conflits d’intérêts, comme observé dans d’autres sports, tel que le football.

Les supporters pourraient craindre une approche trop orientée sur le profit se traduisant par une augmentation du prix des billets ou un changement de la culture du club. Cependant, ce nouveau partenariat entre la NFL et le private equity pourrait être bénéfique, menant à des équipes plus fortes, des infrastructures améliorées et un marché de l’investissement plus fluide. Dans six ans, nous pourrons mesurer les résultats.


Cet article est la traduction de « NFL and private equity: Bring your money but not your methods», rédigé par Neil Robertson, avocat associé au sein du cabinet Bignon Lebray et publié dans un prestigieux magazine des Etats-Unis, Sports Business Journal. Pour découvrir l’article cliquer ici.

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