Nouveau règlement sur les agents de la FIFA
Adopté par le Conseil de la FIFA en décembre 2022, le nouveau règlement des agents de la FIFA est pleinement entré en vigueur le 1er octobre 2023. Ce texte est le fruit d’un processus de consultation mené auprès de toutes les parties prenantes du football mondial.
Il remplace celui de 2015 qui avait libéralisé le secteur des agents en supprimant notamment l’obligation de détenir une licence.
Ce nouveau règlement poursuit un objectif de modernisation du cadre règlementaire du football afin de garantir le bon fonctionnement du système des transferts. Il instaure des normes encadrant l’activité d’agent sportif et les services que ce dernier fournit à ses clients.
Les associations membres de la FIFA avaient jusqu’au 30 septembre dernier pour adapter leur règlementation nationale aux nouvelles exigences de la FIFA. La France n’a pas modifié sa législation, considérant que celle-ci était conforme aux nouvelles dispositions.
- Les mesures phares de ce nouveau règlement
L’entrée en vigueur de ce nouveau texte est l’occasion pour la FIFA de redéfinir le rôle et l’activité de l’agent. Ce dernier est « une personne physique disposant d’une licence de la FIFA l’autorisant à fournir des services d’agent au nom d’un client dans le but de conclure une transaction ». Les services d’agent sont les services fournis dans le cadre du football pour un client ou en son nom.
Il convient de s’attarder sur les principales nouveautés de ce règlement, et notamment, sur la création d’un système d’émission de licences obligatoires, l’interdiction de la pluri-représentation ou encore le plafonnement des commissions d’agents.
- Création d’une licence obligatoire
La nouvelle règlementation impose la détention d’une licence pour l’exercice de l’activité d’agent. L’obtention d’une licence d’agent est subordonnée à plusieurs critères d’éligibilité (parmi lesquels figure l’absence de condamnation pénale pour une liste limitative d’infractions).
Les futurs agents devront également passer un examen consistant en un questionnaire à choix multiples élaboré par la FIFA et visant à vérifier les connaissances du futur agent de la règlementation du football.
Cette licence permet à son titulaire de proposer ses services dans le monde entier. Elle est personnelle et incessible, et émise pour une durée indéterminée, à condition de respecter continuellement les exigences remplies par l’agent lors de l’émission de ladite licence.
Les dispositions relatives à la procédure d’obtention de la licence sont entrées en vigueur le 9 janvier dernier. Cette entrée en vigueur, en amont de celle du reste des dispositions du règlement, devait permettre aux agents de réaliser les démarches nécessaires à l’obtention de cette licence avant le 1er octobre, date d’entrée en vigueur des autres dispositions. Il faut souligner toutefois que les agents exerçant cette activité avant le 9 janvier, avaient jusqu’au 1er octobre dernier pour déposer une demande d’exemption au titre du passage de l’examen.
- Obligation de conclure un accord de représentation strictement encadré
Dorénavant, pour pouvoir exercer son activité et fournir ses services, l’agent devra avoir conclu avec celui-ci un accord de représentation. Pour être valable, cet accord devra notamment être écrit et ne pas excéder une durée de deux ans. Un agent ne peut en outre conclure qu’un accord à la fois avec le même joueur ou entraîneur.
De plus, pour limiter les conflits d’intérêts et protéger les clients contre tout comportement contraire à l’éthique, l’agent ne pourra à l’avenir représenter qu’une seule partie à une transaction. La transaction au sens du règlement correspond à l’emploi, l’enregistrement ou le désenregistrement d’un joueur auprès d’un club ou d’une ligue centralisée ; l’emploi d’un entraîneur auprès d’un club, d’une ligue centralisée ou d’une association membre ; le transfert ou l’enregistrement d’un joueur d’un club à un autre ; l’élaboration, la résiliation ou la modification des termes du contrat de travail d’un joueur ou d’un entraîneur.
A titre d’exception, l’agent pourra fournir des services d’agent pour le compte d’un client personne physique (entraîneur ou joueur) et d’une entité d’arrivée : un club recrutant un joueur ou un entraîneur, pour une même transaction. Cette exception ne pourra être mise en œuvre que si le client personne physique et l’entité d’arrivée ont donné leur autorisation écrite à cette double représentation.
- Encadrement de l’indemnité perçue par l’agent
Le règlement introduit un principe de plafonnement de l’indemnité de service que celui-ci peut recevoir pour chaque transaction qu’il réalise. Ce plafonnement varie en fonction de la nature du client, entre 3% et 10% de la rémunération du joueur ou de l’entraîneur objet de la transaction.
Au demeurant, le règlement introduit le principe du paiement par le client. Cela signifie, que l’agent doit de manière générale, être rémunéré directement par son ou ses clients pour les services d’agent qu’il fournit. Ce principe a vocation à protéger l’intégrité du football et à veiller au bon fonctionnement du système des transferts. Néanmoins, si la rémunération annuelle du joueur ou de l’entraîneur objet de la transaction est inférieure à 200.000 dollars, l’indemnité de l’agent n’est pas obligatoirement payée par son client. Elle peut alors être payée par un club, une association membre ou une ligue centralisée également partie à la transaction.
- Création de nouvelles obligations de communication à la FIFA
Cette règlementation comporte également une nouvelle obligation de communication pour les agents. Aux termes de celle-ci, ils doivent télécharger certaines informations énumérées à l’article 16 du règlement, sur la plateforme des agents de la FIFA dans les 14 jours suivant la réalisation d’une transaction.
Parmi ces informations, figurent notamment la communication dudit accord de représentation, des informations concernant le paiement de l’indemnité de service ou encore de tout arrangement contractuel entre des agents en vue de coopérer dans la prestation de services.
La FIFA se voit également imposer une obligation de communication par la mise à disposition aux agents de certaines informations comme le nom et les coordonnées de tous les agents de la FIFA ou encore de tous les services d’agent qu’ils fournissent à leur client.
- La création d’un nouvel organe de résolution des litiges
Enfin, est également créé un nouveau système de résolution des litiges : la Chambre des Agents de la FIFA. Cette institution devient le responsable de la résolution des litiges découlant de ce nouveau règlement et découlant d’un accord de représentation de dimension internationale ou en relation avec cet accord.
Un accord de représentation est considéré comme étant à dimension internationale, lorsqu’il concerne des services d’agent liés à une transaction dans le cadre d’un transfert international, et lorsqu’il concerne des services d’agent liés à plusieurs transactions dont au moins l’une d’entre elles porte sur un transfert international. La Chambre des Agents de la FIFA fait partie du Tribunal du Football de la FIFA.
L’appel des décisions définitives rendues par cette chambre doit être porté devant le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) dans un délai de 21 jours à compter de la notification des motifs de la décision (article 57 alinéa 1 des statuts de la FIFA).
La procédure devant ce nouvel organe est gratuite.
- La suspension de ce nouveau règlement
Le nouveau règlement des agents de la FIFA n’a pas fait l’unanimité depuis son entrée en vigueur. En effet, plusieurs représentants d’agents ont contesté le plafonnement de leur indemnité de service et ont tenté de remettre en cause ce règlement devant leurs juridictions nationales, arguant notamment d’une atteinte au droit de l’Union européenne et plus précisément à la liberté d’établissement et à la libre concurrence entre les opérateurs économiques.
Les juridictions allemandes ont, par exemple, posé à ce sujet une question préjudicielle qui devrait être étudiée dans les prochains mois par la CJUE. Celle-ci était formulée dans les termes suivants : « l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) (interdiction des ententes), l’article 102 TFUE (interdiction des abus de position dominante) et l’article 56 TFUE (libre prestation de services) ainsi que l’article 6 du règlement général sur la protection des données doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation adoptée par une fédération sportive internationale (en l’occurrence la FIFA), à laquelle appartiennent 211 fédérations sportives nationales du sport en question (en l’occurrence le football) et dont les règles sont donc contraignantes pour au moins la plus grande partie des acteurs agissant dans les différentes ligues professionnelles nationales du sport en question (en l’occurrence les clubs, dont notamment les clubs de football organisés en tant que sociétés de capitaux, les joueurs (membres des clubs) et les agents de joueurs) »[1]
En France, la Commission Fédérale des Agents Sportifs (CFAS), organe chargé de la mise en œuvre du règlement en France, a fait part de son désaccord avec cette mesure. Elle juge en effet que l’indemnité des agents sportifs français étant déjà plafonnée à 10%, la mise en œuvre d’un seuil plus faible ne permettrait pas de maintenir un équilibre compétitif entre les agents. Pour rappel, le nouveau règlement des agents de la FIFA prévoit un plafonnement de la rémunération de l’agent variant entre 3 et 10% de la rémunération du joueur ou de l’entraîneur objet de la transaction.
En dehors de l’Union européenne, quatre agences anglaises ont également initié une procédure d’arbitrage afin de contester la transposition dans leur droit national du règlement sur les agents de la FIFA. Fin novembre, le tribunal de la Football Association (FA) a rendu une sentence arbitrale déclarant la non-conformité de ce règlement avec le droit de la concurrence anglais.
A la fin du mois de décembre 2023, plusieurs fédérations majeures, dont la Fédération Française de Football (FFF), ont par la suite annoncé qu’elles n’appliqueraient pas la règlementation des agents de la FIFA. Il s’agit de l’Union Danoise de football (DFU), l’Association suisse de Football (ASF-SFV), de la Confédération brésilienne de football (CBF), de la Fédération royale espagnole de football (RFEF), de l’Association anglaise de football (The FA) et de l’Association italienne de football (FICG). Des procédures sont par ailleurs en cours en Colombie et au Venezuela.
Ces contestations interviennent alors même que le Tribunal Arbitral du Sport avait estimé que le règlement était justifié et proportionné au regard des objectifs poursuivis par la FIFA et avait donc validé ce règlement.
Plusieurs juridictions européennes ont suspendu leurs décisions et renvoyé à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) la question de la validité de ce règlement au regard du droit de l’Union Européenne.
Dans ce contexte, la FIFA a publié une circulaire le 30 décembre 2023[2] énonçant la suspension temporaire des dispositions litigieuses du règlement, dans l’attente de la décision de la CJUE.
En conclusion, plus d’un an après son adoption, alors que le règlement était pleinement entré en vigueur, sa mise en œuvre a été suspendue en raison des incertitudes et des questions de conformité aux différentes législations nationales engendrées, lesquelles n’ont pas manqué de faire réagir les fédérations du football.
[1] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:62023CN0209