Opposabilité des baux postérieurs au commandement de saisie immobilière

La question de l’opposabilité d’un bail consenti après un commandement de payer valant saisie immobilière soulève régulièrement des interrogations. Dans un arrêt récent du 16 janvier 2025, n° 21-17.794 la Cour de cassation a rappelé sa position en la matière.
Les faits :
En 1994, un créancier initiait une procédure de saisie immobilière à l’encontre de son débiteur.
Le 11 octobre 2012, soit près de deux décennies plus tard, l’adjudication était prononcée.
Entre-temps, et plus précisément le 1er janvier 2001, le débiteur saisi avait consenti plusieurs baux dont l’un d’eux avait d’ailleurs fait l’objet d’une cession à l’occasion d’une procédure collective ouverte à l’encontre d’un preneur.
Conformément à l’article 684 du CPC qui disposait, dans sa version antérieure à 2007, que : « Les baux qui n’ont pas acquis date certaine avant le commandement peuvent être annulés, et ceux postérieurs au commandement doivent l’être, si dans l’un ou l’autre cas les créanciers ou l’adjudicataire le demandent » ; ces baux conclus après la signification du commandement auraient dû être annulés.
C’est dans ce contexte que, le créancier poursuivant avait assigné les locataires en nullité des baux conclus.
L’adjudicataire était intervenu volontairement à la procédure et s’était associé à sa demande.
Par jugement en date du 9 avril 2018, le Tribunal de grande instance de Grasse a rejeté la demande de nullité.
En appel, la Cour d’Aix-en-Provence a, par un arrêt du 8 avril 2021, infirmé cette décision et prononcé la nullité des baux. Elle s’est appuyée sur l’article L. 321-4 du code des procédures civiles d’exécution qui dispose que « les baux consentis par le débiteur après l’acte de saisie sont, quelle que soit leur durée, inopposables au créancier poursuivant comme à l’acquéreur. La preuve de l’antériorité du bail peut être faite par tout moyen » ; ainsi que sur l’article 684 de l’ancien code de procédure civile.
L’un des locataires a alors formé un pourvoi en cassation.
La position de la Cour de cassation :
La Cour de cassation a cassé l’arrêt et rappelé sa position concernant sa position sur baux postérieurs au commandement :
Conformément aux articles 1743 du code civil et 684 de l’ancien code de procédure civile, un bail consenti après la publication d’un commandement de saisie immobilière reste opposable à l’adjudicataire si ce dernier en a eu connaissance avant l’adjudication.
Conclusion :
La réforme de la saisie immobilière, entrée en vigueur le 1er janvier 2007, a conduit à la suppression de l’ancien article 684 du code de procédure civile, désormais remplacé par l’article L. 321-4 du code des procédures civiles d’exécution. Ainsi, l’exigence d’une date certaine pour établir l’opposabilité d’un bail a disparu.
Que l’on se place sous l’ancien ou le nouveau régime, la solution jurisprudentielle reste.
La Cour de cassation l’a d’ailleurs confirmé dans un arrêt du 27 février 2020 (n° 18-19174) relatif à une affaire relevant du nouveau cadre juridique, en affirmant que : « la délivrance d’un commandement valant saisie immobilière n’interdit pas la conclusion d’un bail ou la reconduction tacite d’un bail antérieurement conclu, et que le bail, même conclu après la publication d’un tel commandement, est opposable à l’adjudicataire qui en a eu connaissance avant l’adjudication ».
La position adoptée par la Cour de cassation s’inscrit finalement dans une logique de préservation de la bonne foi dans l’exécution des contrats. En considérant qu’un adjudicataire informé de l’existence d’un bail avant l’adjudication ne peut ensuite invoquer sa nullité, elle empêche toute remise en cause opportuniste et garantit la stabilité des engagements connus au moment de la vente.
Cour de cassation du 16 janvier 2025, n° 21-17.794
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