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28/06/2022

Pacte Dutreil – Assouplissement de la condition d’holding animatrice

Le pacte Dutreil est un outil fiscal particulièrement utilisé pour faciliter les transmissions intergénérationnelles d’entreprises familiales, puisqu’il permet aux donataires ou héritiers de bénéficier d’une exonération de leurs droits de donation ou succession à hauteur de 75% de la valeur des biens transmis, en application de l’article 787 B du CGI.

Toutefois, en contrepartie de cet avantage fiscal, les conditions à respecter sont nombreuses, parmi lesquelles celle prévoyant que la société dont les titres font l’objet du pacte doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

En principe, une société holding ne répond pas à cette condition d’activité opérationnelle. Mais, par exception, l’administration admet dans ces commentaires BOFiP (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 § 50) que les titres de sociétés holdings animatrices de leur groupe puissent bénéficier du régime du pacte Dutreil, dès lors que les filiales exercent une activité opérationnelle.

Est considérée comme animatrice la holding qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, a pour activité principale :

  • la participation active à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales exerçant une activité éligible ;
  • et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.

La Cour de cassation vient de répondre à la question de savoir à quel moment dans le temps la condition d’exercice d’une activité opérationnelle devait s’apprécier.

En effet, dans l’affaire en cause, un pacte Dutreil portant sur les titres d’une holding animatrice avait été souscrit dans le cadre d’une succession et les héritiers avaient bénéficier de l’exonération de 75%.

Toutefois, l’administration fiscale remettait en question le bénéfice de cette exonération au motif que la holding avait perdu son caractère animateur à la suite de cessions de participations dix-huit mois après la transmission par succession.

Pour défendre cette position, l’administration se basait sur ses propres commentaires, en vertu desquels « la condition du caractère de holding animatrice d’une holding de groupe s’apprécie au moment de la conclusion du pacte Dutreil ou de la transmission en cas d’engagement réputé acquis, et doit être remplie jusqu’au terme des engagements collectif, le cas échéant unilatéral, et individuel de conservation. »

Dans un premier temps, la cour d’appel de Rennes avait donné raison à l’administration.

Mais, le 25 mai dernier, la Cour de cassation a censuré cet arrêt en estimant qu’il violait les dispositions de l’article 787 B du CGI en ce qu’il ajoutait une condition non prévue par la loi.

Ainsi, dès lors que la société holding était animatrice de son groupe au moment de la transmission des titres objet du pacte Dutreil, la condition relative à l’activité opérationnelle de la société devait être considérée comme respectée. Il n’est donc pas nécessaire que la holding reste animatrice jusqu’à la fin des engagements de conservation postérieurement à la transmission.

Cette décision favorable au contribuable a une portée particulièrement importante, d’autant plus si l’on considère qu’il serait logique de l’appliquer aussi aux sociétés opérationnelles « classiques » et non pas aux seules sociétés holding.

Cependant, compte tenu de l’impact potentiel de cette jurisprudence, il ne serait pas surprenant que, lors d’une prochaine loi de finances, le législateur intègre dans la loi la condition prévue actuellement par le seul BOFiP.

Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 mai 2022, n° 19-25.513