Pacte Dutreil – La loi de finances rectificative pour 2022 durcit la condition d’exercice d’une activité opérationnelle
Le pacte Dutreil facilite les transmissions intergénérationnelles d’entreprises familiales en permettant aux donataires ou héritiers de bénéficier d’une exonération de leurs droits de donation ou succession à hauteur de 75% de la valeur des biens transmis, en application de l’article 787 B du CGI.
L’une des conditions attachées au bénéfice de cet avantage fiscal prévoit que la société dont les titres font l’objet du pacte doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
L’article 8 de la loi 2022-1157 de finances rectificatives pour 2022 précise cette condition d’exercice d’une activité éligible : il exige qu’elle soit satisfaite à compter de la conclusion de l’engagement de conservation collectif et jusqu’au terme de l’engagement individuel.
Attendu, cet amendement fait échec à une récente jurisprudence de la Cour de la cassation (Chambre commerciale, 25 mai 2022, n° 19-25.513) qui considérait qu’une société holding, animatrice de son groupe au moment de la transmission des titres objet du pacte Dutreil, n’avait pas à conserver sa fonction d’animation jusqu’à la fin des engagements de conservation pour bénéficier de l’exonération partielle. Voir notre précédente newsletter sur le sujet.
Eu égard à son fondement, cette décision rendue en matière de holding animatrice était transposable aux sociétés exploitantes, leur permettant donc de céder leurs activités opérationnelles pendant la période d’engagement individuel au profit d’activités purement civiles, telles que la gestion d’un patrimoine immobilier ou financier.
Cela remettait en cause la raison d’être du pacte Dutreil, qui est d’assurer la pérennité des seules entreprises exerçant une activité économique opérationnelle.
Ainsi, en réformant une nouvelle fois le régime d’exonération partielle Dutreil, la loi de finances rectificative replace le texte en accord avec l’intention initiale du législateur, et d’ailleurs, avec la position de l’administration fiscale (BOFiP BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 § 50).
La nouvelle condition s’applique aux transmissions intervenant à compter du 18 juillet 2022, date de dépôt de l’amendement dont elle est issue.
Elle s’applique également aux transmissions survenues avant le 18 juillet, dès lors qu’à cette même date, l’engagement individuel ou collectif est en cours, à condition que la société n’ait pas déjà cessé d’exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
Si cette double rétroactivité permet de contrer certains agissements abusifs, et notamment les cessions d’actifs d’exploitation ou de filiales opérationnelles entre la présentation de l’amendement et l’entrée en vigueur de la loi, sa constitutionnalité paraît contestable.
En effet, elle fait peser un risque nouveau sur le contribuable dont l’exonération partielle peut être remise en cause s’il a réalisé une transmission après le 18 juillet puis cessé d’exercer l’activité éligible.
Les sociétés ayant cessé d’exercer leur activité opérationnelle avant le 18 juillet devraient, elles, pouvoir se prévaloir de la décision de mai 2022 pour éviter la remise en cause du régime de faveur.