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05/09/2024

Précision sur l’appréciation des liens de dépendance pour la déduction des intérêts servis aux entreprises liées

CAA Nancy, 20 juin 2024, n°22NC01300, SAS Vipico II

Dans un arrêt du 20 juin 2024, la Cour Administrative d’Appel de Nancy clarifie l’interprétation des liens de dépendance visés par l’article 39-12° du Code général des impôts (CGI), pour l’application de la limitation de la déduction des intérêts versés entre entreprises dites « liées » (CGI, art. 212, I, a).

Une entreprise peut déduire les intérêts sur des sommes mises à sa disposition par un actionnaire, dans la limite du taux fixé par l’article 39, 1 3° du CGI (i.e., le taux moyen pratiqué par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable sur plus de deux ans). Or, cette limitation peut être rehaussée lorsque l’actionnaire prêteur est une entreprise liée au sens de l’article 39-12° du CGI puisque dans ce cas il est possible de se référer au taux de marché que l’entreprise aurait obtenu auprès de prêteurs indépendants (CGI, art. 212, I-a).

Selon l’article 39-12° du CGI, deux entreprises sont réputées liées dans deux cas : (i) si l’une d’elle détient la majorité du capital de l’autre ou y exerce en fait un pouvoir décisionnel ; (ii) si elles sont sous le contrôle d’une même tierce entreprise.

Dans cette affaire, une société (A) avait émis des obligations convertibles en actions (OCA) en faveur d’une société associée (B), à un taux fixe de 5,4 % (taux supérieur au taux prévu par l’article 39,1, 3° du CGI). La société avait déduit l’intégralité de ces intérêts de ses résultats imposables pour les années 2015 à 2017.

L’administration fiscale a partiellement refusé cette déduction, au motif que la déduction devait être limitée selon l’article 39-1-3° du CGI. La société requérante a alors demandé à bénéficier du régime plus favorable de l’article 212 du CGI, estimant qu’elle pouvait appliquer un taux de marché supérieur à la limite prévue.

La Cour administrative d’appel de Nancy a rejeté cette demande, estimant que les sociétés A et B n’étaient pas liées au sens de l’article 39-12° du CGI. En effet, la société A n’était pas contrôlée par la société B, qui ne détenait pas la majorité de son capital. De plus, les sociétés A et B n’étaient pas placées sous le contrôle d’une même tierce entreprise.

La société B, requérante, avait fait valoir qu’elle était l’associé le plus important de la société A et qu’elle avait en outre vocation à devenir actionnaire majoritaire en cas de conversion de ses OCA. Elle occupait également la fonction de présidente du conseil de surveillance.

La Cour a néanmoins refusé cette interprétation, jugeant que les dispositions de l’article 39-12° doivent être appliquées de manière stricte. Bien que la société B soit présidente du conseil de surveillance, cette fonction ne suffisait pas à établir un pouvoir de décision effectif, car la direction de la société A était assurée par un président distinct, qui disposait seul des pouvoirs de direction et d’administration. Le conseil de surveillance n’exerçait qu’un contrôle de ces pouvoirs, et les décisions de ce conseil étant prises à la majorité simple de ses membres, la société B, en tant que présidente de ce conseil, ne pouvait pas être considérée comme exerçant un contrôle sur la société A.

Ainsi, la Cour a confirmé que la société B n’exerçait pas en fait de pouvoir de décision dans la société A, et que par conséquent, les dispositions plus favorables de l’article 212 du CGI ne pouvaient s’appliquer.

Cet arrêt de la CAA de Nancy démontre l’appréciation stricte des juges de l’existence de liens de dépendance dans le cadre de la déduction des intérêts, et notamment de la notion d’exercice en fait du pouvoir de décision. Une participation significative mais non contrôlante ne permettra de qualifier un lien de dépendance que si elle s’accompagne d’un pouvoir décisionnel réel de l’actionnaire concerné au sein des organes de gouvernance.


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