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10/10/2022

Renonciation à recettes par une société étrangère en conformité avec son objet social

La mise à disposition par une société de biens immobiliers à ses associés est une pratique courante. Néanmoins, pour ne pas être remise en cause, cette mise à disposition doit être organisée dans le respect de certaines règles : la société doit être une société de personnes à caractère civil et ne pas être assujettie à l’IS (ni déterminer ses résultats selon les règles BIC).

Un arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 22 juillet 2022 vient illustrer ce risque en sanctionnant un schéma de mise à disposition d’appartements dans un contexte international. Cet arrêt a pour vertu de rappeler le raisonnement effectué par le juge de l’impôt lorsqu’il est confronté à une société étrangère mais cet arrêt est également intéressant en ce qu’il se prononce la qualification d’acte anormal de gestion d’une renonciation à recettes qui est conforme à l’objet social de la société.

Une société de droit suisse a gracieusement mis à disposition de son associé unique deux appartements situé à Cannes dont elle est propriétaire. L’administration fiscale a estimé que cette société avait commis un acte anormal de gestion en renonçant à percevoir des loyers, qu’elle a donc réintégrés dans le résultat de la société et assujetti à l’impôt en France, conformément aux règles de territorialité de l’IS issues tant de la convention francosuisse que du Code général des impôts.

Pour se prononcer sur la validité d’une opération impliquant une société de droit étranger, le juge français commence par identifier, au regard de l’ensemble des caractéristiques juridiques de la société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable.

En l’espèce, les juges se sont fondés sur la nature de société de capitaux de la société suisse et sur la responsabilité de son associé limitée au montant de ses apports pour juger que cette société devait être assimilée à une société anonyme de droit français. A ce titre, le Conseil d’Etat rappelle que le caractère civil ou commercial de l’objet social d’une société étrangère n’a pas d’impact pour déterminer son assujettissement à l’IS si elle est assimilable à une société de capitaux française assujettie à l’IS par sa forme (SA ou SAS par exemple).

En vertu de l’article 206 du Code général des impôts, les sociétés anonymes sont passibles de l’impôt sur les sociétés quel que soit leur objet social. Les juges ont donc estimé que la société de droit suisse devait être assimilée à une société française soumise à l’impôt sur les sociétés.

Or, la mise à disposition d’un bien immobilier à un associé à titre gratuit par une société soumise à l’impôt sur les sociétés est une renonciation à recettes constitutive d’un acte anormal de gestion.

Le Conseil d’Etat valide donc les rehaussements proposés par l’administration qui a imposé à l’IS en France les loyers que la société aurait dû percevoir.

Enfin, le Conseil d’Etat précise que le fait que la renonciation à recettes par une société de capitaux au bénéfice de ses associés serait conforme à l’objet social de l’entreprise n’est pas à elle seule de nature à faire regarder cette renonciation comme étant dans l’intérêt propre de l’entreprise.

Les contribuables détenant des biens immobiliers situés en France par l’intermédiaire de sociétés étrangères et qui souhaitent en disposer à titre gratuit doivent donc s’interroger sur le type de société française à laquelle leur société est assimilable pour s’assurer qu’une cette mise à disposition n’engendre pas de risque fiscal.