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06/02/2024

Droit rural / Résiliation sans préjudice du bail rural pour défaut d’exploitation de terres louées mises à disposition d’une société pour cession irrégulière du droit au bail

Par un arrêt du 12 octobre 2023, la Cour de cassation autorise la résiliation d’un bail rural mis à disposition d’une société pour défaut d’exploitation du preneur ayant procédé à une cession prohibée du droit au bail, sans qu’il ne soit nécessaire de prouver de préjudice (Cass. Civ. 3, 12 oct. 2023, 21-22.101).  

En l’espèce, un preneur associé d’une société civile d’exploitation agricole (SCEA) a informé les bailleurs qui lui avaient consenti des baux, qu’il n’exploitait plus les terres qu’il avait mises à la disposition de la SCEA. 

Les bailleurs ont saisi en conséquence le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation des baux pour défaut d’exploitation des terres par le preneur. 

La Cour d’appel de Paris ayant accueilli cette demande, le preneur a formé un pourvoi en cassation sur le fondement des articles L.411-31 et L.411-37 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM) en invoquant l’absence de préjudice des bailleurs résultant de l’exploitation des terres par un autre exploitant que le preneur, le préjudice étant une condition requise pour obtenir la résiliation d’un bail sur le fondement d’un manquement au régime de mise à disposition de terres louées. 

Pour rendre sa décision, la Cour de cassation s’appuie sur les trois dispositions suivantes du CRPM :  

  • L’article L.411-35 du CRPM prohibant par principe les cessions de bail sauf accord du bailleur et au profit de certains bénéficiaires ;  
  • L’article L.411-37 du CRPM imposant au preneur, associé d’une société à objet agricole, mettant à la disposition de celle-ci des biens dont il est locataire, à peine de résiliation, de continuer à se consacrer à l’exploitation du bien loué mis à disposition en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente ; et  
  • L’article L.411-31, II, 1° et 3° du CRPM permettant respectivement au bailleur de demander la résiliation du bail en cas de contravention aux dispositions de l’article L.411-35 et, si elle est de nature à porter préjudice au bailleur, aux dispositions de l’article L.411-37 du CRPM.  

La Cour de cassation énonce d’abord que le fait, pour le preneur (ou tous les preneurs) ayant mis à disposition d’une société des terres prises à bail, de ne plus participer aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation, constitue un abandon de la jouissance des biens à la société et ainsi une cession prohibée du droit au bail.  

En l’espèce, le père du preneur avait été désigné gérant de la SCEA dont 95% des parts lui avaient été transférées et exploitait les terres. 

La Cour de cassation en conclut qu’un tel manquement du preneur, constitutif d’une cession de bail prohibée, autorise le bailleur à solliciter la résiliation du bail sur le fondement de la violation de l’article L.411-35 du CRPM sans qu’il ne soit nécessaire pour le bailleur de démontrer un préjudice en application de l’article L.411-31, II, 1° du CRPM, écartant ainsi l’application de l’article L.411-31, II, 3° du CRPM qui exige de démontrer un préjudice.