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30/04/2024

Les troubles anormaux du voisinage font leur entrée dans le Code civil

Le principe de responsabilité de plein droit du fait des troubles anormaux du voisinage, qui était jusqu’ici un principe jurisprudentiel, est désormais codifié au nouvel article 1253 du Code civil, introduit par la loi n°2024-346 du 15 avril 2024 visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels (JORF du 16 avril 2024).

Jusqu’ici, ce principe était consacré par la jurisprudence et les actions sur ce fondement découlaient du principe selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage » (Cass. 2e civ., 19 nov. 1986, n°84-16.379).

Il s’agissait déjà d’un cas de responsabilité de plein droit, ne nécessitant pas la preuve d’une faute (Cass. 3e civ., 16 mars 2022, n°18-23.954) et souverainement apprécié in concreto par les juges du fond. L’action reposait sur la démonstration, par le demandeur, d’un trouble dommageable et anormal.

Concernant les auteurs de ce trouble, la jurisprudence admettait que la victime d’un trouble anormal de voisinage puisse demander réparation au propriétaire et au locataire de l’immeuble à l’origine du trouble, ainsi qu’aux entreprises du bâtiments, architectes et autres constructeurs, auteurs du trouble.

Comme un corollaire du droit de propriété, la jurisprudence avait également créé un principe de responsabilité de plein droit du fait d’autrui à la charge du propriétaire sur le fondement des troubles anormaux du voisinage, à l’instar de la responsabilité du fait d’autrui de l’article 1242 du Code civil. Ainsi, le bailleur était responsable du fait de son locataire (Cass. 2e civ., 8 juillet 1987 : Bull. civ., II, n°150) et le maître d’ouvrage était responsable du fait des intervenants à une opération de construction (Cass. 2e civ., 2 déc. 1982 : Bull. civ. II, n° 160 ), les parties pouvant ainsi être condamnés in solidum.

Le nouvel article 1253 du Code civil dispose :

« Le propriétaire, le locataire, l’occupant sans titre, le bénéficiaire d’un titre ayant pour objet principal de l’autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d’ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l’origine d’un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte. »

Cet article se contente ainsi de codifier la définition prétorienne, sans pour autant mettre fin aux incertitudes qui naissent lors de telles actions, telles que la question de la proportionnalité en matière de réparation du trouble ou de l’application de la prescription quinquennale de l’article 2224 du Code civil (pour un cas isolé d’application de la prescription trentenaire : Cass. 3e civ. 5 févr. 2014, n°13-10.816).

L’alinéa 2 du nouvel article 1253 du Code civil intègre les exceptions au droit à réparation posées par l’article L.113-8 du Code de la construction et de l’habitation, lequel est abrogé par cette loi du 15 avril 2024.

Ainsi, l’exonération s’applique pour le trouble anormal de voisinage provenant d’une activité, quelle qu’en soit la nature, existant antérieurement à l’installation de la victime du trouble du voisinage, à la double condition (i) que l’activité soit conforme au cadre législatif en vigueur et (ii) que l’activité se poursuive dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine de l’aggravation du trouble anormal de voisinage.

Ici encore, ces exceptions avaient déjà été posées par la jurisprudence (sur l’antériorité : Cass. 2e civ., 5 janv. 1983 : Bull. civ. II, n°3 ; sur la conformité au droit en vigueur : Cass. 3e civ., 10 oct. 1984 : Bull. civ. III, n°165).

Cependant, le nouvel article 1253 du Code civil élargit le périmètre de la force exonératoire de l’antériorité de l’occupation puisque l’exonération prévue par l’ancien article L. 113-8 du Code de la construction et de l’habitation concernait uniquement les activités « agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques, culturelles ou aéronautiques » et l’alinéa 2 du nouvel article 1253 du Code civil visant les « activités, quelle qu’en soit la nature ».


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