Diffusion d’événements sportifs – Un sponsor maillot peut constituer une publicité interdite et exposer le diffuseur à des sanctions
Le 16 mai 2018, la chaîne de télévision française BeIN Sports diffusait la finale de l’Europa League, qui opposait l’Olympique de Marseille à l’Atlético de Madrid au Groupama Stadium de Lyon.
Au cours de cette rencontre, le sponsor maillot du club madrilène était « Trade Plus 500 », une société chypriote de trading en ligne.
Le 25 juin de la même année, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (« DGCCRF ») a ouvert une enquête à l’encontre du diffuseur, soupçonnant l’existence d’une publicité interdite par la législation française.
En effet, en application de l’article L.222-16-1 du code de la consommation, la publicité, directe ou indirecte, adressée par voie électronique à des clients susceptibles d’être non professionnels, relative à la fourniture de services d’investissement portant sur les contrats financiers risqués, tels que définis à l’article L. 533-12-7 du code monétaire et financier.
Cette enquête a abouti à la décision du 30 novembre 2022 par laquelle l’inspecteur de la DGCCRF a enjoint BeIN Sports France de cesser toute diffusion de publicité relative au sponsor incriminé, soit en pratique l’interdiction de diffuser les matchs impliquant un club arborant ce sponsor maillot. Le supérieur hiérarchique confirma cette décision le 3 avril 2023.
Le diffuseur a alors introduit une requête contre cette décision devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Le 13 juillet 2023, cette juridiction a rejeté cette requête en écartant l’ensemble des moyens soutenus par BeIN Sports France.
A l’appui de cette décision, le juge énonce notamment qu’il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l’avis de l’autorité des marchés financiers (« AMF ») adressé à la DGCCRF le 2 juillet 2018, que la plus grande partie de l’offre de la société chypriote « Plus500 » doit être regardée comme relevant de la catégorie des contrats financiers hautement risqués au regard des trois critères fixés à l’article L. 533-12-7 du code monétaire et financiers, auquel l’article L. 222-16-1 fait référence et qui sont les suivants :
- Le risque maximal n’est pas connu au moment de la souscription ;
- Le risque de perte est supérieur au montant de l’apport financier initial ;
- Le risque de perte rapporté aux avantages éventuels correspondants n’est pas raisonnablement compréhensible au regard de la nature particulière du contrat financier proposé.
Le tribunal rejette notamment l’argumentaire du diffuseur selon lequel l’injonction rendue par la DGCCRF porterait une atteinte disproportionnée à la liberté
d’entreprendre, au droit de propriété ou encore constituerait une restriction trop générale et absolue au principe européen de libre-prestation de service.
Pour ce faire, le juge insiste sur le fait que l’injonction est suffisamment ciblée (elle ne concerne que la société Plus500) et que son incidence est limitée pour le diffuseur : désormais, seul un club italien (l’Atalanta Bergame) et un club suisse (les Young Boys de Berne) arborent ce sponsor, ce qui représente très peu de matchs à diffuser et donc un manque à gagner mineur pour BeIN Sports.
Surtout, l’interdiction de publicité à destination du public non-professionnel en faveur d’une société qui commercialise des contrats d’investissement hautement spéculatifs, est considérée par le tribunal comme poursuivant un objectif impérieux d’intérêt général relevant de la protection des consommateurs français. Dès lors, elle constitue une atteinte justifiée et proportionnée aux libertés fondamentales précitées.
Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 13 juillet 2023, n°2306997