Publications
17/04/2024

Le vendeur, même non-professionnel, qui a lui-même réalisé les travaux est présumé avoir connaissance des vices affectant la chose vendue

Prudence aux vice de travaux pour les vendeurs non-professionnel

Cass. 3e civ., 19 octobre 2023, n°22-15.536

Par un arrêt en date du 19 octobre 2023, la troisième chambre civile de la Cour de cassation est venue réaffirmer le principe suivant lequel, le vendeur non-professionnel qui réalise lui-même les travaux, est présumé avoir connaissance des vices affectant la chose vendue.

Dans cet arrêt, une société civile immobilière (SCI) avait vendu une maison d’habitation à un acquéreur. Se plaignant de désordre, ce dernier s’était retourné contre son vendeur et a demandé l’indemnisation de ses préjudices sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Or, comme c’est classiquement le cas en matière de vente immobilière, le contrat de vente comportait une clause excluant la garantie des vices cachés.

Partant de là, la cour d’appel avait rejeté la demande d’indemnisation de l’acquéreur, estimant qu’il ne rapportait pas la preuve que la SCI avait connaissance du vice caché à la date de la vente, et que par conséquent, la SCI, en tant que vendeur non-professionnel, était fondée à lui opposer la clause de non garantie.

Toutefois, la Cour de cassation n’a pas suivi le raisonnement de la cour d’appel et a jugé, qu’en réalisant elle-même les travaux à l’origine du désordre affectant le bien vendu, la SCI s’était comportée en constructeur et devait être présumée avoir connaissance du vice.

Pour rappel, les vices cachés sont définis par l’article 1641 du Code civil comme « des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».

L’application de la garantie des vices suppose la réunion de plusieurs conditions cumulatives :

  • le vice doit être caché (autrement dit, l’acquéreur ne doit pas être en mesure de s’en apercevoir par un examen normal de la chose au moment de la vente) ;
  • le vice doit rendre la chose impropre à sa destination ;
  • le vice doit être né antérieurement à la vente de la chose ;
  • le vice doit trouver son origine dans la chose vendue.

Toutefois, le vendeur a la possibilité d’inclure dans le contrat de vente une clause exclusive de garantie. Cette possibilité est néanmoins réservée au vendeur de bonne foi ; celui qui au moment de la vente ignorait légitimement l’existence du vice.

A cet égard, par plusieurs arrêts, la jurisprudence est venue poser une présomption irréfragable de connaissance des vices affectant le bien vendu à l’encontre du vendeur professionnel en cas de vente conclue avec un acheteur non-professionnel (consommateur ou professionnel n’exerçant pas la même spécialité). En effet, pour la jurisprudence, le vendeur professionnel est censé connaitre parfaitement la chose qu’il vend, de sorte qu’il ne peut ni éluder ni limiter la garantie légale (ex : Cass com, 19 mars 2013, n°11-26.566).

Néanmoins, la jurisprudence adopte une vision extensive de la notion de « vendeur professionnel », puisqu’elle assimile le vendeur occasionnel à un professionnel de l’immobilier, dès lors qu’il s’est comporté comme tel.

C’est ainsi, que dans un arrêt du 10 juillet 2013, la Cour de cassation a considéré que le vendeur bricoleur, qui avait lui-même conçu et installé une cheminée, devait être traité comme un vendeur professionnel présumé connaître les vices de construction affectant cette cheminée, quand bien même il ne possèderait aucune compétence particulière en matière de construction (Cass civ 3e, 10 juillet 2013, n° 12-17.149).

L’arrêt du 19 octobre 2023 s’inscrit parfaitement dans la continuité de cette jurisprudence qui vise à assimiler le vendeur non-professionnel au vendeur professionnel dès lors qu’il a lui-même réalisé ou fait réaliser les travaux.

Le vendeur qui réalise ou fait réaliser des travaux doit donc faire preuve d’une grande prudence car la clause exclusive de garantie en matière de vice cachés ne lui permettra pas d’échapper à une action en responsabilité sur ce fondement. 


Pour en savoir plus sur les actualités du département Droit Immobilier & Gestion Immobilière, cliquez ici.