Les baux ruraux constituent un pilier discret mais fondamental de l’économie agricole française. Mais, derrière leur apparente simplicité, leur régime fiscal repose sur la distinction essentielle entre le bail à ferme et le bail à métayage, deux modes de mise à disposition du foncier agricole dont les traitements fiscaux diffèrent à la fois pour le bailleur et pour le preneur.
1. Bail à ferme : une formule classique, une fiscalité claire
Le bail à ferme est la formule dominante dans le paysage rural. Ici, le propriétaire (bailleur) confie la jouissance de ses terres à un fermier contre un loyer fixe, généralement réglé en numéraire. Ce montant reste invariable d’une année sur l’autre, indépendamment de la réussite des récoltes : cette sécurité peut séduire les investisseurs prudents, soucieux de régularité.
Fiscalement, le fermier est imposé dans la catégorie des bénéfices agricoles au titre de son activité, conformément à l’article 63 du CGI, tandis que le bailleur relève de la catégorie des revenus fonciers. Par ailleurs, le bailleur demeure redevable de la taxe foncière sur les propriétés non bâties.
Des particularités surviennent lorsque la location inclut du matériel d’exploitation : la part du revenu attachée à la mise à disposition du matériel relève alors des bénéfices industriels et commerciaux, tandis que la location des terres conserve sa nature de revenu foncier (BOI-RFPI-CHAMP-10-30, §150).
Le bail à ferme, avec la sécurité d’une rente et une fiscalité simple, s’adapte parfaitement aux périodes incertaines et aux investisseurs à la recherche de prévisibilité.
2. Métayage : entre partage des risques et des opportunités
Plus rare mais fascinant, le bail à métayage s’inscrit dans une logique de collaboration avancée.
Régi par l'article L.417-1 et suivants du Code rural, il se distingue du fermage par le mode de rémunération : le bailleur perçoit une fraction variable des produits de l’exploitation en nature, simultanément à une obligation de participer aux charges d’exploitation, généralement fixée selon la règle du tiercement (1/3 pour le bailleur, 2/3 pour le métayer). La jurisprudence exige que le preneur dirige effectivement l’exploitation et que le partage des produits soit accompagné d’une répartition des charges selon la même proportion. À défaut, le contrat est susceptible d’être requalifié en bail à ferme.
D’un point de vue fiscal, tant le bailleur que le métayer relèvent des bénéfices agricoles (CGI, art. 63), sous réserve du respect du partage des produits et des charges.
Ainsi, contrairement au bail à ferme, où le bien loué est traité comme un simple actif patrimonial, le métayage transforme le "propriétaire passif" en acteur économiquement engagé. Ce point technique peut offrir des avantages que ce soit en cas de transmission ou d’IFI (les biens exploités en métayage peuvent être qualifiés de biens professionnels dans certains cas) par exemple.
Il convient de souligner que la conversion du métayage en fermage est facilitée par la loi, traduisant une défiance législative envers un régime considéré comme révolu, mais qui reste adapté à certaines filières, notamment viticoles.
3. Le cas spécifique du métayage espèce
Dans le cadre d’un bail rural, l’administration fiscale a longtemps réservé la qualification de bénéfices agricoles aux revenus payés en nature. Elle précise à cet égard que « À la différence du bailleur à ferme, le bailleur à métayage ou « à portion de fruits», ne reçoit donc pas du preneur un fermage indépendant de la production mais une rémunération en nature représentée par une fraction des produits du domaine. »
Néanmoins, à côté du partage en nature, la modernité du droit rural a vu émerger le « métayage espèce » : ici le bailleur ne reçoit pas directement des produits agricoles, mais leur contre-valeur monétaire, ajustée chaque année selon la production. Cette forme - emblématique des pratiques viticoles - offre une simplification comptable et une flexibilité supplémentaire pour les professionnels.
La jurisprudence semble avoir tranché dans le sens du maintien de la qualification agricole, considérant que le mode de paiement (produits ou espèces) est neutre dès lors que tous les autres critères (direction par le preneur, partage des charges selon la même proportion que les produits) sont respectés.
Dans la pratique, le métayage espèce devrait donc être assimilé au métayage traditionnel en termes fiscaux : le bailleur doit déclarer sa part au titre de l’année de la récolte et les mêmes règles d’imposition trouvent à s’appliquer pour le métayer. Toutefois, la clause obligatoire du partage des charges demeure essentielle, toute dérive vers un partage asymétrique entraînant un risque de requalification en bail à ferme.
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