Dans un arrêt du 30 avril 2025, la Cour de cassation rappelle qu’une société civile immobilière (SCI), même constituée entre membres d’une même famille, ne peut exercer le droit de reprise d’un bail rural que si elle dispose d’un objet agricole (Cass, 3ème civ. 30 avr. 2025 n°23-22.354).
Cette nouvelle précision jurisprudentielle est bienvenue en raison de la rédaction imparfaite de l’article L.411-60 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM) qui énonce pêle-mêle les conditions de reprise d’un bail rural par une personne morale et les dérogations applicables en faveur des GAEC et des sociétés familiales comme suit :
« Les personnes morales, à la condition d'avoir un objet agricole, peuvent exercer le droit de reprise sur les biens qui leur ont été apportés en propriété ou en jouissance, neuf ans au moins avant la date du congé. Ces conditions ne sont pas exigées des groupements agricoles d'exploitation en commun ou de sociétés constituées entre conjoints, partenaires d'un pacte civil de solidarité, parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclus. L'exploitation doit être assurée conformément aux prescriptions des articles L. 411-59 et L. 411-63 par un ou plusieurs membres des sociétés mentionnées au présent article. Toutefois, les membres des personnes morales mentionnées à la première phrase du présent article ne peuvent assurer l'exploitation du bien repris que s'ils détiennent des parts sociales depuis neuf ans au moins lorsqu'ils les ont acquises à titre onéreux.»
Une SCI familiale, propriétaire d’un domaine agricole donné à bail selon deux baux, avait délivré à la preneuse à bail deux congés pour reprise afin d’exploiter directement les terres.
La locataire conteste ces congés, soutenant que la société ne justifiait pas d’un objet agricole dans ses statuts, condition selon elle indispensable pour exercer la reprise.
La Cour d’appel de Versailles rejette cette argumentation, considérant qu’une société familiale n’a pas à justifier d’un tel objet.
La Cour de cassation décline ce raisonnement et réaffirme qu’il résulte de l’article L.411-60 du CRPM que toute société, y compris familiale (jusqu’au 4ème degré), doit avoir un objet agricole à la date de délivrance du congé pour pouvoir exercer le droit de reprise.
Elle précise néanmoins que les autres conditions prévues par cet article, à savoir que les biens aient été apportés à la société depuis au moins neuf ans, et que les associés exploitants détiennent leurs parts depuis neuf ans lorsqu’ils les ont acquises à titre onéreux, ne s’appliquent pas aux sociétés à caractère familial.
En l’espèce, la Haute juridiction a considéré que l’objet social de la SCI était agricole puisque les statuts de la SCI prévoyaient expressément « la propriété, la jouissance et l’administration des immeubles et droits immobiliers à destination agricole, dont elle a et elle aura la propriété aux fins de création et/ou de conservation d’une ou plusieurs exploitations » et qu’ « elle assurera la gestion des biens dont elle est propriétaire en les exploitant directement ou en les donnant à bail ».
Cette décision vient confirmer l’interprétation de l’article L.411-60 au regard du droit de reprise exercé par une société familiale. La dispense des conditions de durée au profit des sociétés familiales ne saurait être étendue à l’exigence d’un objet agricole, laquelle demeure une condition impérative. L’objet social doit mentionner explicitement une destination agricole, même si la société n’est pas une société agricole au sens strict.
Cass, 3ème civ. 30 avr. 2025 n°23-22.354
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