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04/07/2025

Droit rural / Participation active du preneur à bail rural : pas de résiliation même sans association

Le Code rural et de la pêche maritime prohibe toute cession ou sous-location du bail rural. Il permet cependant au preneur, associé d’une société à objet principalement agricole, de mettre à la disposition de celle-ci les parcelles louées. Le preneur à bail doit néanmoins continuer à se consacrer à l’exploitation des terres sous peine de résiliation du contrat.

Droit rural /  Participation active du preneur à bail rural 

A ce propos, le 26 septembre 2024, la Cour de cassation a rappelé que la participation active et continue des preneurs est essentielle pour éviter la résiliation du bail, même si ces biens sont mis à la disposition d’une société ou d’un groupement dont ils ne sont pas membres (Cass. 3e civ., 26 septembre 2024, n°23-13.893).

Dans cette affaire, une usufruitière et ses deux enfants, nus-propriétaires, ont donné à bail diverses parcelles à quatre copreneurs en 2002. Ces derniers ont décidé de mettre les parcelles à la disposition d’une EARL afin de les assister dans leurs activités agricoles. L’un des copreneurs n’est devenu associé de l’EARL qu’à compter du 21 juin 2018.

Par la suite, les enfants devenus pleinement propriétaires ont vendu les biens mis à bail. La nouvelle bailleresse, estimant que l’un des copreneurs avait manqué à l’obligation d’exploiter personnellement les terres, a saisi en 2020 le tribunal partiaire des baux ruraux d’une demande en résiliation du bail en invoquant une cession prohibée dudit bail.


Afin de trancher le litige, la Cour de cassation, rappelle :

  • Que selon l’art. L.411-35 du CRPM, toute cession de bail est interdite sauf agrément du bailleur en faveur de membres de la famille du preneur ;

  • Que l’art. L.411-37 du CRPM permet au preneur associé d’une société à objet principalement agricole, de mettre à disposition de celle-ci les terres objet du bail dont il est titulaire, à condition, à peine de résiliation, de continuer à se consacrer à l’exploitation du bien loué mis à disposition en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation ;

  • Que l’article L.411-31 II, 1° et 3° du CRPM permet respectivement au bailleur de demander la résiliation du bail s’il justifie d’une contravention aux dispositions de l’art. L411-35 (1°), soit, si elle est de nature à porter préjudice au bailleur, d’une contravention aux dispositions de l’art. L411-37 du CRPM (3°);

La haute cour, considérant que le ou les copreneurs d’un bail rural qui participent de manière effective et permanente aux travaux des parcelles mises à disposition d’une société n’abandonnent pas la jouissance du bien loué à cette société et ne constituent donc pas une cession de bail prohibée, même s’ils ne sont pas associés de ladite société.

La Cour de cassation en conclut que le bailleur ne pouvait donc solliciter la résiliation du bail que sur le fondement de l’article L.411-31, II, 3° du Code rural et de la pêche et devait alors démontrer un manquement du preneur de nature à lui porter préjudice, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.


Le 26 septembre 2024, la Haute Cour a rendu deux autres arrêts portant sur des faits similaires.

Selon le premier arrêt (Cass. 3e civ., 26 septembre 2024, n°23-14.685), la Cour de cassation a jugé que le ou les preneurs à bail qui mettent des parcelles à disposition d’un groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) dont ils ne sont pas membres, ne perdaient pas la jouissance du bien loué s’ils continuaient de participer de manière effective et permanente aux travaux réalisés.

Au titre du second arrêt (Cass. 3e civ., 26 septembre 2024, n°23-12.967), la Cour rappelle que si l’un des copreneurs cesse de participer à l’exploitation du bien loué, le copreneur qui continue d’exploiter dispose d’un délai de trois mois pour demander à son bailleur que le contrat se poursuivre à son seul nom, et le propriétaire ne peut s'y opposer qu'en saisissant le tribunal paritaire dans un délai de deux mois s’il estime que le titulaire du bail ne peut satisfaire à son obligation d’exploitation.

Le juge statue dans ce cas en considération des intérêts légitimes du bailleur, lesquels s’apprécient au regard de la capacité du copreneur restant à assurer la bonne exploitation du fonds et le respect de ses obligations légales et contractuelles.


Ces arrêts rappellent l’importance pour les preneurs de poursuivre l’exploitation des parcelles de manière effective et permanent malgré la mise à disposition qui serait consentie et l’importance pour les bailleurs, de justifier d’un préjudice en l’absence de qualification de ces mises à disposition en cessions de bail prohibées.