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05/05/2025

Erreur comptable délibérée : une prise en compte exagérée de l’expertise fiscale du contribuable ?

Par un arrêt du 12 mars 2025, le Conseil d’État a jugé qu’une erreur comptable dans la qualification de titres comme titres de participation pouvait être considérée comme délibérée dès lors que le contribuable disposait de l’expertise suffisante pour en connaître les conséquences juridiques et fiscales.

Erreur comptable délibérée : une prise en compte exagérée de l’expertise fiscale du contribuable ?

En l’espèce, la société Vivendi avait initialement inscrit à l’actif des titres NBC Universal en tant que titres de participation avant de les reclasser, deux ans plus tard, en titres immobilisés de l’activité de portefeuille (TIAP). La dépréciation des titres effectuée à ce moment a permis la déduction de provisions.

Le Conseil d’État confirme la position de la cour administrative d’appel, qui avait estimé que l’erreur initiale ne pouvait être rectifiée car elle revêtait un caractère délibéré. Il s’appuie notamment sur le fait que la société Vivendi maîtrisait parfaitement la législation fiscale, si bien que, compte tenu de l’importance financière de l’entrée des titres NBCU dans son patrimoine, leur classement comptable en 2006 avait nécessairement fait l’objet d’une expertise. Cette décision repose également sur les circonstances de l’acquisition, révélant une intention de cession à court terme plutôt qu’un objectif de contrôle durable.

Conformément à la jurisprudence constante, une erreur comptable délibérée ne peut être rectifiée par le contribuable. (CE, 8e et 9e ss-sect. réunies, 2 mai 1979, n° 07695, Sté X). En application de ce principe jurisprudentiel, la Haute juridiction renforce la portée de la notion d’erreur comptable délibérée, en présumant que toute erreur est nécessairement intentionnelle chez les grandes entreprises fortement outillées sur le plan fiscal. Elle élargit le champ des erreurs que les contribuables ne peuvent plus régulariser. Elle renforce ainsi l’asymétrie selon laquelle seule l’administration peut corriger une erreur comptable délibérée, tandis que le contribuable est privé de ce droit, même lorsqu’il procède à une correction spontanée. Cette jurisprudence interroge sur la relation entre expertise de qualité et erreur de bonne foi. L’interrogation est d’autant plus légitime que l’administration fiscale a elle-même, lors du contrôle fiscal, admis la qualification des titres de participation initialement retenue, avant de finalement la remettre en cause.

En somme, cette décision semble retenir un principe selon lequel les grands groupes disposant d’une expertise fiscale de haut niveau ne peuvent pas commettre d’erreurs de bonne foi. Il faut espérer que cette solution soit circonscrite au cas d’espèce.

CE, 8e et 3e ch. réunies, 12 mars 2025, n° 491714, Vivendi


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