Dans un arrêt du 10 avril 2025 (n°23-14.099) , la 3ème chambre civile de la Cour de cassation analyse, une clause de mise aux normes dans un bail commercial, à l’aune de l’obligation de délivrance pesant sur le bailleur, et des exigences propres à la sécurité-incendie dans les établissements recevant du public (ERP).

Contexte factuel et clause litigieuse
Après un incendie survenu dans des les locaux loués par un bail commercial, la responsabilité de la locataire, exploitante d’un ERP, s’est trouvée engagée au regard de ses obligations en matière de sécurité.
La clause litigieuse stipulait que la locataire devait :
d'une part, se conformer à l'ensemble de la réglementation applicable à son activité, en prenant les lieux dans l'état où ils se trouvent au moment de son entrée en jouissance, sans pouvoir exiger du bailleur, pendant toute la durée du bail, aucune mise en état ni aucune réparation, y compris celles relevant du gros entretien et des grosses réparations, par dérogation expresse aux dispositions de l'article 606 du Code civil,
d'autre part, à réaliser, à ses frais exclusifs, toute réfection ou tout remplacement qui s'avérerait nécessaire dans les lieux loués, notamment tous travaux de mise aux normes, de sorte que les locaux soient en permanence conformes aux prescriptions administratives en vigueur.
La Cour d’Appel a considéré que la locataire avait ainsi l’obligation d’effectuer les travaux de sécurité-incendie, et qu’en s’en affranchissant pendant près de quatorze ans, elle avait commis une faute lourde justifiant l’inapplicabilité de la clause de non-recours contre son bailleur.
Une clause insuffisamment précise pour inclure les travaux de sécurité-incendie
La Cour de cassation censure cette analyse.
Elle rappelle, au visa des articles 1150 (dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016) et 1719, 1°, du Code civil, que sauf stipulation expresse contraire, il appartient au bailleur de délivrer un local conforme à sa destination contractuelle, ce qui inclut les travaux de mise en conformité aux normes de sécurité-incendie.
En l’espèce, la clause ne visait pas expressément les travaux nécessaires à la mise en conformité des locaux aux normes spécifiques de sécurité-incendie. La Cour relève en outre que l’immeuble présentait dès l’origine de graves non-conformités (absence de désenfumage, défaut de stabilité au feu, parois non conformes…).
Dans ces conditions, la Haute juridiction estime que la clause litigieuse ne pouvait transférer à la locataire la charge de travaux qui relèvent en principe de l’obligation de délivrance du bailleur.
Portée de la décision :
Cet arrêt s’inscrit dans la jurisprudence constante de la Cour de cassation, qui exige une rédaction claire et précise des clauses dérogeant aux obligations statutaires, telle que l’obligation de délivrance pesant en principe sur le bailleur. Elle réaffirme par ailleurs, que les travaux de sécurité-incendie, lorsqu’ils répondent à des non-conformités préexistantes à l’entrée dans les lieux, relèvent de cette obligation, qui est d’ordre public et donc non transférable sur le preneur.
La Cour précise également les contours de la faute lourde en considérant qu’elle ne peut pas résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, mais doit se déduire d’un comportement d’une particulière gravité, proche du dol.
En l’absence de clause transférant valablement au preneur les obligations pesant en principe sur le bailleur, on ne saurait reprocher à la locataire une faute, et encore moins une faute lourde..
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