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01/07/2025

Expertise judiciaire : précisions sur le régime de responsabilité de l’expert et son délai de prescription

Cass. 1ère civ., 19 mars 2025, n° 23-17.696 : la décision judiciaire entérinant un rapport d’expertise n’efface pas la faute de l’expert, et le délai de l’action en responsabilité contre l’expert judiciaire, du fait de l’expertise erronée, débute uniquement à compter du jour où la décision rejetant les prétentions de la victime devient irrévocable.

Expertise judiciaire : précisions sur le régime de responsabilité de l’expert et son délai de prescription

En l’espèce, les faits concernaient une propriétaire ayant fait l’acquisition d’une maison en 1997 et ayant constaté différents désordres affectant son bien. A ce titre, la propriétaire a sollicité une expertise judiciaire en référé puis, en se basant sur le rapport d’expertise, a intenté une action en garantie décennale contre les vendeurs et entrepreneurs en charge de la construction. Cette action a été rejetée par un arrêt de cour d’appel en date du 11 janvier 2011, lequel est devenu irrévocable du fait du rejet du pourvoi en cassation formé à son encontre le 3 avril 2013.

Contestant les conclusions du rapport d’expertise, le 10 février 2017, la propriétaire a donc assigné en responsabilité et indemnisation l’expert judicaire ainsi que son assureur, estimant que le caractère incomplet et erroné du rapport établi par l’expert avait causé le rejet de ses précédentes demandes en justice.

La cour d’appel de Lyon, ayant eu à traiter de l’affaire a, par un arrêt en date du 25 avril 2023, infirmé le jugement de première instance et fait droit aux demande de la propriétaire.

Au soutien de leur décision, les juges d’appel indiquent non seulement que l’action de la propriétaire n’était pas prescrite (la prescription de l’action ayant commencé à courir le 3 avril 2013, date à laquelle la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi formé par la propriétaire à l’encontre de l’arrêt du 11 janvier 2011), mais également que le rejet de l’action en garantie décennale était la conséquence des conclusions de l’expert.

Suite à cette décision, l’expert judiciaire et son assureur se sont pourvus en cassation.

Par un arrêt en date du 19 mars 2025, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi et a confirmé le raisonnement de la cour d’appel de Lyon.

Sur le moyen tiré de la prescription, les juges ont considéré que dans une action en responsabilité tendant à l’indemnisation du préjudice né de la reconnaissance d’un droit contesté au profit d’un tiers, seule la décision juridictionnelle devenue irrévocable établissant ce droit met l’intéressé en mesure d’exercer l’action en réparation du préjudice qui en résulte. Ainsi, au cas d’espèce, cette décision n’était devenue irrévocable qu’à compter du 3 avril 2013, date du rejet du pourvoi en cassation formé contre l’arrêt du 11 janvier 2011.

Sur le moyen tiré de la faute commise par l’expert, la Cour de cassation a ainsi rappelé que l’expert judiciaire engageait sa responsabilité à raison des fautes commises dans l’accomplissement de sa mission et que cette faute se caractérisait, en l’espèce, par le caractère hypothétique et imprécis des conclusions de l’expert, non étayées par des investigations sur la cause des désordres.

S’inscrivant dans une jurisprudence bien établie, l’arrêt en présence contribue toutefois à rappeler, outre la question de la prescription, que la responsabilité de l’expert judiciaire peut être mise en cause en cas de rapport imprécis, quand bien même le tribunal vient à suivre les conclusions de ce dernier dans l’instance en ouverture de rapport.

L’expert judiciaire devra donc veiller à remplir sa mission avec diligence et précision, tout en étayant chacune de ses conclusions, afin de ne pas voir sa responsabilité ultérieurement mise en cause.

Cass. 1ère civ., 19 mars 2025, n° 23-17.696


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