21/12/2021

L’avocat mandataire sportif n’est pas un intermédiaire, à l’inverse de l’agent sportif, et ne peut être payé que par son client directement

La Cour d’appel de Paris (CA Paris, 4, 13, 14 oct. 2021, n°20/11621) a annulé la délibération du Conseil de l’ordre des avocats au barreau de Paris en date du 2 juin 2020 au titre de laquelle avait été adopté l’article P.6.3.0.3 du règlement intérieur du barreau de Paris (RIPB).

L’adoption de cet article dans le RIPB avait pour but d’apporter des précisions au régime de l’avocat mandataire sportif dont l’article 6.3 du règlement intérieur national de la profession d’avocat (RIN) évoque simplement l’existence.

L’article P.6.3.0.3 du RIPB disposait que : « L’avocat peut en qualité de mandataire sportif, exercer l’activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d’un contrat soit relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement, soit qui prévoit la conclusion d’un contrat de travail ayant pour objet l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement.

L’avocat agissant en qualité de mandataire sportif ne peut être rémunéré que par son client. Cette activité doit donner lieu à une convention écrite qui peut, le cas échéant, stipuler que le joueur donne mandat au club sportif de verser en son nom et pour son compte à l’avocat, les honoraires correspondant à sa mission ».

Selon le barreau de Paris, l’avocat mandataire sportif a été institué par la loi n°2011-331 du 28 mars 2011 afin de conférer à l’avocat les prérogatives de l’agent sportif, incluant la mise en relation en matière sportive. Le barreau de Paris considère en effet que réduire le périmètre de l’avocat mandataire sportif à la seule mission d’assistance juridique n’apporterait rien de plus à sa mission traditionnelle et que l’avocat a la faculté d’exercer à titre accessoire une activité commerciale (art. 111 al. 4 du décret 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat). S’agissant de la rémunération, l’adoption de l’article P.6.3.0.3 du RIPB visait à illustrer la possibilité de percevoir des honoraires de son client ou d’un mandataire de celui-ci conformément à l’article 11.3 du RIN, la modalité de paiement choisie ne dérogeant pas au principe.

La juridiction a cependant donné raison au Procureur Général près la Cour d’appel de Paris qui l’avait saisie en s’appuyant sur la combinaison de l’article 6 ter al. 1 de la loi du 31 décembre 1971 créé par la loi du 28 mars 2011 qui dispose que « les avocats peuvent, dans le cadre de la réglementation qui leur est propre, représenter, en qualité de mandataire, l’une des parties intéressées à la conclusion de l’un des contrats mentionnés au premier alinéa de l’article L.222-7 du Code du sport » et ledit article L.222-7 du Code du sport qui dispose que « L’activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d’un contrat soit relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement, soit qui prévoit la conclusion d’un contrat de travail ayant pour objet l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement ne peut être exercée que par une personne physique détentrice d’une licence d’agent sportif. »

Selon la Cour d’Appel, seul l’agent sportif (titulaire d’une licence) peut exercer le rôle d’intermédiaire dès lors que cette activité de mise en relation constitue une activité de courtage, de nature commerciale, activité interdite aux avocats à titre principal (Rép. Min. n°94691, JOAN 1er février 2011 p.1025 ; art. 6.2 al. 7 du règlement intérieur national de la profession d’avocat, arts. 111 et 115 du décret du 27 novembre 1991).

La juridiction considère à cet égard que la mise en relation des joueurs et des clubs constitue une mission principale, indispensable et préalable à la conclusion des contrats et qu’elle ne saurait être à ce titre accessoire à la négociation et à la conclusion des contrats.

La Cour d’Appel censure également le second alinéa de l’article P.6.3.0.3 précité en s’appuyant sur une interprétation stricte de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 qui précise que « l’avocat agissant en qualité de mandataire de l’une des parties intéressées à la conclusion d’un tel contrat ne peut être rémunéré que par son client ».

Le client ne peut donc donner mandat au club de verser à son avocat ses honoraires en son nom et pour son compte afin d’éviter tout conflit d’intérêts selon la Cour d’Appel.

A noter que l’Association des Avocats Mandataires Sportifs (ADMS), la Fédération Française de Football (FFF), le Comité National Olympique et Sportif Français (CNO SF), la Fédération Française de Rubgy (FFR) et l’Association Union des Agents Sportifs du Football (UASF) étaient parties intervenantes volontaires à la procédure.

La décision fera très certainement l’objet d’un pourvoi.