26/02/2019

Parution du décret relatif à l’utilisation de la blockchain pour les titres de sociétés non cotées

Le décret du 24 décembre 2018, pris pour application de certaines dispositions de l’ordonnance du 8 décembre 2017 adapte les dispositions réglementaires du code monétaire et financier à la possibilité d’inscrire les titres de sociétés non cotées sur un Dispositif d’Enregistrement Electronique Partagé (« DEEP »), lequel a été défini par la direction générale du Trésor de la façon suivante : « technologie informatique innovante qui permet à des participants d’un réseau de valider par consensus des échanges et des transactions entre plusieurs participants sans faire intervenir d’organe central ».

Le terme de DEEP comprend la fameuse blockchain, base de données que chacun des membres d’une même chaîne peut consulter et sur laquelle chaque intervenant peut inscrire les transactions qui le concernent.

Le décret du 24 décembre 2018 vient ainsi parachever la réforme initiée par l’ordonnance du 8 décembre 2017, et rend possible l’inscription des titres non cotés sur la blockchain, permettant ainsi leur transmission et leur nantissement.

1. L’inscription en compte

Les dispositions du code monétaire et financier en matière d’inscription des titres financiers non cotés (en ce compris notamment les actions de sociétés non cotées) sont adaptées.

Pour rappel, jusqu’ici, la propriété des titres n’était assurée que par l’inscription sur un compte-titre tenu par chaque société, pouvant entraîner des difficultés de gestion en cas de nombreux actionnaires.

L’article R. 211-1 du Code monétaire et financier dispose désormais que « les titres financiers ne sont matérialisés que par une inscription dans le compte-titres du ou des propriétaires ou au bénéfice du ou des propriétaires dans un DEEP ».

La réforme ainsi mise en place permet par conséquent à la société de choisir entre l’inscription des titres financiers sur un compte-titres tenu par la société, ou dans un DEEP.

Afin qu’il puisse avoir la même valeur qu’un compte-titres, l’article R. 211-9-7 du code monétaire et financier vient toutefois définir des conditions et exigences que doit respecter le DEEP:

– il doit être conçu et mis en œuvre de façon à garantir l’enregistrement et l’intégrité des inscriptions et à permettre, directement ou indirectement, d’identifier les propriétaires des titres, la nature et le nombre de titres détenus. Cette première exigence doit ainsi permettre une certaine traçabilité des flux, de la même façon que le fait aujourd’hui le registre des mouvements de titres tenu par chaque société par actions non cotée ;

– le propriétaire des titres doit pouvoir disposer de relevés des opérations qui lui sont propres, lui assurant un contrôle sur ces informations et transactions, afin notamment qu’il puisse vérifier qu’aucune opération n’a été effectuée à son insu ;

– les inscriptions réalisées dans le DEEP font l’objet d’un plan de continuité d’activité actualisé comprenant notamment un dispositif externe de conservation périodique des données. Les inscriptions doivent ainsi être sauvegardées sur des serveurs externes dans l’hypothèse où les données inscrites sur le registre d’une blockchain ne puissent plus être accessibles ou réputées intègres.

2. La transmission et le nantissement des titres non cotés via la Blockchain

De la même façon que jusqu’ici, l’inscription en compte des titres non cotés constatait à la fois la propriété des titres et les opérations de transfert, la réforme permet désormais à l’inscription dans un DEEP de constater à la fois le transfert des titres non cotés et leur propriété.

Ainsi, l’article L. 211-16 du code monétaire et financier dispose que « nul ne peut revendiquer pour quelque cause que ce soit un titre financier dont la propriété a été acquise de bonne foi par le titulaire du compte-titres dans lequel ces titres sont inscrits ou par la personne identifiée par le DEEP », tandis que l’article L. 211-17 du même code précise que « le transfert de propriété de titres financiers résulte de l’inscription de ces titres au compte-titres de l’acquéreur ou de l’inscription de ces titres au bénéfice de l’acquéreur dans un DEEP »

Le relevé des opérations dont pourront disposer les propriétaires de titres permettra à chacun d’eux de vérifier les opérations passées sur ses titres plus aisément que lorsque les titres sont inscrits sur un compte-titres (et sur un registre des mouvements de titres) tenu par la société et consultable uniquement au siège social.

3. Le nantissement des titres de sociétés non cotées

Le nantissement des titres inscrits dans un DEEP constitue l’une des évolutions majeures introduites par l’ordonnance du 8 décembre 2017 et le décret du 24 décembre 2018.

La réforme a en effet consacré deux types de nantissement de titres :

– le premier, ancien et non modifié par la réforme, porte sur le compte-titre du débiteur lui-même, et sur tous les titres qui y sont inscrits ;

– le second, introduit par la réforme, porte sur chacun des titres financiers inscrits dans le DEEP, pris isolément.

Ce second nantissement de titres perd tous les effets attachés à l’existence d’un compte. En particulier, il ne permet pas de nantir l’universalité des titres inscrits sur un compte-titres, à savoir tous les titres présents ou futurs inscrits ou amenés à être inscrits sur ce compte. Cette lacune est susceptible de réduire l’intérêt du nantissement de titres financiers, et, partant, l’utilisation de l’inscription des titres financiers dans un DEEP.