Taxe foncière et CFE – élargissement de l’exonération en faveur des biens spécifiques aux activités industrielles
Conseil d’Etat, plénière fiscale, 11 décembre 2020, N°422418, SA GKN Driveline
L’article 1382, 11° du Code général des impôts exonère de taxe foncière sur les propriétés bâties, les outillages et autres moyens matériels d’exploitation des établissements industriels, à l’exception de ceux visés aux 1° et 2° de l’article 1381 (installations destinées à abriter des personnes ou des biens, ou encore à stocker des produits, ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions, ouvrages d’art et voies de communication).
Par renvoi à cette disposition, l’article 1467 du même code prévoit la même exonération en matière de cotisation foncière des entreprises.
Depuis 2013, cette exonération faisait l’objet d’une lecture particulièrement restrictive de la part de la jurisprudence.
En effet, le juge administratif (Conseil d’Etat, 25 sept. 2013, n° 357029, SAS Les Menuiseries du Centre) avait posé comme conditions d’application de l’exonération les deux critères suivants :
- Critère fonctionnel : le bien en cause doit participer directement à l’activité industrielle de l’établissement ;
- Critère matériel : le bien doit être physiquement dissociable de l’immeuble.
Par un arrêt du 11 décembre 2020, le Conseil d’Etat a profondément modifié cette jurisprudence.
L’abandon du critère matériel
S’agissant du critère matériel, l’exigence de « dissociabilité » est purement et simplement abandonnée. Cette décision vient corriger une incohérence de la jurisprudence antérieure, le texte de loi n’ayant jamais prévu un tel critère.
Les biens incorporés dans des immeubles sont donc désormais susceptibles de bénéficier de l’exonération, même lorsqu’ils n’ont pas vocation à être démontés de ces immeubles.
L’extension du critère fonctionnel
S’agissant du critère fonctionnel, il devient donc le seul critère à remplir pour bénéficier de l’exonération et son périmètre est étendu.
Le bien ne doit plus nécessairement « participer directement à l’activité industrielle de l’établissement » mais simplement remplir les deux conditions suivantes :
- relever d’un établissement industriel au sens de l’article 1499 et suivants du CGI ; et
- être spécifiquement adapté aux activités susceptibles d’être exercées dans tel établissement.
Cette redéfinition du critère fonctionnel entraîne un élargissement du champ d’application de l’exonération puisque, en vertu de l’article 1500, I, A du CGI, revêtent un caractère industriel non seulement « les bâtiments et terrains servant à l’exercice d’une activité de fabrication ou de transformation de biens corporels mobiliers qui nécessite d’importants moyens techniques » mais également ceux « servant à l’exercice d’activités autres qui nécessitent d’importants moyens techniques lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre est prépondérant. »
Un bien servant à une activité non-industrielle peut donc désormais bénéficier de l’exonération (sous réserve de respecter les autres conditions précitées).
Ce revirement de jurisprudence constitue donc une actualité bienvenue pour les entreprises industrielles, qui vient s’ajouter à la réduction de moitié de la valeur locative servant d’assiette à la taxe foncière et à la CFE prévue par la dernière loi de finances.
Il conviendra toutefois de veiller à ce que l’administration fiscale applique correctement cette nouvelle jurisprudence, cela nécessitera souvent de déposer une réclamation contentieuse pour obtenir la sortie de la base imposable des immobilisations visées par cette jurisprudence..