Transition énergétique – Les actualités du deuxième et troisième trimestre 2024 dans le secteur de l’environnement
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EVOLUTION DES REGLES CONTENTIEUSES EN DROIT DE L’ENVIRONNEMENT
Le décret n° 2024-423 du 10 mai 2024 fait évoluer les règles applicables au contentieux du droit de l’environnement. L’évolution la plus remarquée concerne la réduction du délai de recours des tiers à l’encontre des autorisations environnementales. Ce délai est désormais de deux mois, pour toutes les décisions prises à compter du 1er septembre 2024 (pour les décisions administratives antérieures au 1er septembre, le délai antérieur de quatre mois continue de s’appliquer).
Le décret a également redéfini le régime contentieux applicable à certaines catégories d’ouvrages :
- Le contentieux des ouvrages hydrauliques agricoles (« méga bassines ») est exclusivement confié au Tribunal administratif de Paris, compétent en premier et dernier ressort ;
- Les tribunaux administratifs se voient reconnaître une compétence de premier et dernier ressort pour ce qui concerne le contentieux relatif aux installations ICPE relatives à l’élevage de bovins, de porcs, de lapins, de volailles et de gibiers à plumes, ainsi qu’à la pisciculture, aux couvoirs et à l’élevage intensif de volailles ou de porcs.
Pour ces deux catégories d’ouvrages, il est également institué un nouveau principe de cristallisation des moyens ainsi qu’une obligation de notification des recours et prévu que le tribunal doit juger en dix mois. moyens ainsi qu’une obligation de notification des recours et prévu que le tribunal doit juger en dix mois.
REFUS DE RECONNAISSANCE DE RIIPM D’UN PARC ÉOLIEN DE 20.4 MW
S’il est constant que, conformément aux articles L. 411-1 et suivants du Code de l’environnement, la caractérisation d’une raison impérative d’intérêt public majeur (« RIIPM ») peut justifier que soit autorisé un projet susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales, le Conseil d’Etat procède à une analyse rigoureuse de l’existence d’un RIIPM, même dans le cadre du développement de parcs éolien, qui contribuent pourtant à un objectif d’intérêt national.
C’est dans ce cadre qu’il a été refusé de voir une RIIPM dans un projet éolien, compte tenu (i) du caractère modeste de la contribution apportée à la politique nationale de développement d’ENR (puissance de 20,4 MW), et (ii) de l’implantation du projet dans un territoire ne souffrant d’aucun problème en matière d’approvisionnement en électricité et comptant un grand nombre de parcs éoliens.
CE, 18 avril 2024, n° 471144
EVOLUTION DU PLU EN COURS D’INSTRUCTION D’UNE AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE
Compte tenu du fait que le dossier de demande d’autorisation environnementale pour l’installation d’un parc éolien doit comprendre un document justifiant de la conformité du projet aux documents d’urbanisme en vigueur à la date du dépôt de sa demande, il appartient au pétitionnaire, dès lors que, en cours d’instruction, le PLU fait l’objet d’évolutions ayant une incidence sur le projet, de compléter son dossier par la production d’un nouveau document justifiant de la conformité du projet aux nouvelles dispositions d’urbanisme, applicables à la date de la décision statuant sur sa demande.
CE, 24 juillet 2024, n° 472039
REFUS D’OCTROI D’UN PERMIS DE RECHERCHE D’HYDROCARBURE AU MOTIF DE LA LIMITATION DU RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE
Par un arrêt n°471782 du 24 juillet 2024, le Conseil d’Etat a jugé que le motif d’intérêt général tiré de l’objectif de limitation du réchauffement climatique et du respect des engagements de la France au titre de l’accord de Paris sur le climat de 2015, constituait une motivation justifiant le refus de délivrance d’un permis de recherches d’hydrocarbures.
Si l’objectif d’intérêt général de limitation du réchauffement climatique avait déjà été retenu dans de précédentes décisions, l’assimilation de la limitation du réchauffement climatique à un « motif d’intérêt général » est une première, susceptible de conduire à une plus grande prise en compte des engagements climatiques de la France dans l’application du droit administratif et de l’environnement.
CE, 24 juillet 2024, n° 471782
EOLIEN – INDEMNISATION DES TROUBLES ANORMAUX DE VOISINAGE
Dans un arrêt remarqué, la Cour d’appel de Rennes a condamné l’exploitant d’un parc éolien à indemniser des riverains en réparation du préjudice de dépréciation immobilière qu’ils ont subi, sur le fondement du trouble anormal de voisinage.
Dans cette affaire, la CA de Rennes a procédé à une mise en balance des troubles de voisinage d’un côté et de l’objectif d’intérêt public poursuivi par le développement de l’énergie éolienne de l’autre, pour établir, en l’absence de communication de données par l’exploitant du parc éolien, à l’existence d’un trouble de voisinage (à rapprocher de l’arrêt Cass. 1re civ., 17 septembre 2020, n° 19-16937, qui semblait pourtant rendre acquis l’objectif d’intérêt public poursuivi par le développement de l’énergie éolienne).
On notera que la loi n° 2024-346 du 15 avril 2024 a inscrit le principe de l’indemnisation des dommages résultants de troubles anormaux de voisinage à l’article 1253 du Code civil, qui dispose désormais que :
« Le propriétaire, le locataire, l’occupant sans titre, le bénéficiaire d’un titre ayant pour objet principal de l’autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d’ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l’origine d’un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte ».
CA Rennes, 12 mars 2024, n° 17/03596
POLLUTION DE L’AIR PAR UNE ICPE ET NON CONFORMITE AVEC L’AUTORISATION ICPE – ACTIONS DU RIVERAIN AU TITRE DU TROUBLE ANORMAL DE VOISINAGE
Le voisin d’une installation ICPE est autorisé à solliciter la mise en conformité environnementale et solliciter des dommages et intérêts, dans les deux cas sur le fondement des troubles anormaux de voisinage.
Quand bien même le requérant savait que son habitation se situait dans le périmètre de plusieurs installations classées pour la protection de l’environnement au moment de son acquisition, les manquements aux prescriptions des arrêtés d’autorisation en matière de rejets atmosphériques, indiquant une exploitation non conforme aux dispositions réglementaires, rendent recevable son action et justifient que la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir en raison de la théorie de la préoccupation soit rejetée.
CA Aix en Provence, 13 juin 2024, n° 23/10427
APPRECIATION DU CARACTERE SUBSTANTIEL DE LA MODIFICATION D’UNE ICPE
Dans une ordonnance rendue en référé, le Tribunal Administratif de Lyon est venu donner des précisions sur les modalités d’appréciation de la nature des modifications apportées à une installation ICPE (et partant, au formalisme nécessaire à la mise en œuvre de ces modifications).
Une société titulaire d’une autorisation d’exploiter une installation de production de polymères fluorés a déposé un dossier en vue de la création d’une seconde unité de production et de stockage de produits chimiques sur le même site. Alors que le préfet s’était limité à fixer des prescriptions particulières, le juge des référés a indiqué « qu’il faut tenir compte des changements successifs apportés à une installation afin de déterminer s’ils sont, par leur addition, de nature à mettre en cause l’appréciation initiale des dangers et inconvénients ». La création d’une seconde unité, ajoutée à une augmentation de sa production, conduisent à augmenter l’émission de produits toxiques et remettent en cause l’appréciation initiale des dangers et inconvénients, de sorte que la modification est jugée substantielle.TA Lyon, 20 juin 2024, n° 2405279
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