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02/01/2024

L’élargissement de la notion d’abus d’égalité dans les sociétés

Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 21 juin 2023, n°21-23.298

Il est de jurisprudence constante de considérer que constitue un abus d’égalité (variante de l’abus de minorité, soumise au même régime) le fait, pour un associé à parts égales, d’empêcher par son vote négatif une opération essentielle pour la société, dans l’unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l’autre associé.

L’abus d’égalité peut prendre différentes formes. Il a notamment été retenu dans les cas suivants :

  • le refus d’un associé égalitaire souhaitant que la totalité du résultat comptable soit distribuée sous forme de dividendes alors que la société avait besoin de l’autofinancement le plus large pour ses investissements et son fonds de roulement (Cass. com., 16 juin 1998, n°96-13997, Curri c/ Curri et autre) ;
  • le refus d’un associé égalitaire de distribuer une partie des bénéfices d’un exercice motivé par l’augmentation du besoin en fonds de roulement de la société et par la nécessité de financer des travaux alors que celle-ci pouvait sans difficulté faire face au coût de ces travaux et distribuer le dividende demandé (CA Aix-en-Provence, 27 févr. 2014, n°13/06189).

L’abus d’égalité peut également être retenue pour les décisions devant être adoptées à l’unanimité des associés. La Cour de cassation dans un arrêt rendu le 21 juin 2023 (Cass. com., 21 juin 2023 n° 21-23.298) a en effet considéré que la règle de l’unanimité était impropre à exclure l’existence d’un abus d’égalité.

Dans cet arrêt, une société par actions simplifiée (SAS) dont deux entreprises de transport qui en détenaient chacune la moitié du capital étaient associées, devait statuer sur une offre de contrat proposée par un cocontractant. L’un des associés, faisant partie d’un groupe de transport concurrent de la société et ayant finalement obtenu ledit contrat, avait décidé de voter contre la résolution proposée en assemblée générale.

En votant contre cette résolution, la Cour de cassation a estimé que l’associé égalitaire avait méconnu l’intérêt social de la société pour favoriser ses propres intérêts.

En conséquence, les associés doivent veiller à ce que leur vote s’inscrive dans l’intérêt de la société quel que soit la nature de la décision (décisions soumises à la majorité simple, qualifiée ou à l’unanimité). Pour autant, les associés ont la possibilité de s’opposer au vote d’une résolution pour des raisons personnelles si ce refus est également justifié par des motifs légitimes puisés dans l’intérêt de la société (CA Paris, 23 juin 2001, n°01-3506).