Le financement des clubs de sport par le public – l’exemple du football
Les clubs de sport, notamment ceux de football, ont aujourd’hui de nombreuses sources de financement à leur disposition. Outre les ressources classiques que sont les droits TV, le merchandising, les transferts de joueurs, la billetterie, le sponsoring, d’autres types de financement voient le jour.
Ceux-ci passent par une réorganisation de leur structure juridique et plus précisément de leur capital social.
Si traditionnellement les clubs sont la propriété d’un actionnaire majoritaire comme les fonds souverains du Qatar et de l’Arabie Saoudite détenant respectivement les clubs du Paris Saint-Germain et de Manchester City, de nouvelles formes de financement se développent. Celles-ci sont protéiformes, il peut s’agir de prises de participations indirectes dans le capital social des clubs par le biais d’une association de supporters (I), de prises de participations directes réservées à certains supporters (II) ou encore de prises participations ouvertes à tous grâce à une cotation en bourse (III).
Ce nouveau type d’actionnaire permet l’entrée de nouvelles liquidités dans la société, notamment grâce à des supporters, mettant fin, parfois aux difficultés financières rencontrées par le club.
- Les prises de participations indirectes dans le capital des clubs par les supporters
Le premier mode de financement par le public consiste à faire intervenir au capital du club de nouveaux acteurs : les supporters.
Ceux-ci investissent indirectement dans le club par le biais d’une association dont ils deviennent membre.
- Les levées de fonds auprès de socios
La première prise de participation indirecte dans le capital d’un club revêt la forme d’une levée de fonds réalisée par le club.
Plusieurs clubs français se sont essayés au jeu des supporters-actionnaires pour mettre un terme à leurs difficultés financières.
C’est notamment le cas du FC Sochaux-Montbéliard qui le 22 juillet dernier, a lancé une levée de fonds pour permettre l’entrée de capitaux dans sa société grâce à ses supporters.
Cette levée de fonds est intervenue par l’intermédiaire d’une association nouvellement créée, l’association « Sociochaux ». Celle-ci avait initialement pour objectif de permettre le sauvetage du club du dépôt de bilan grâce à l’aide de socios, des « supporter-actionnaires ». Aujourd’hui, cette levée de fonds a permis au club de conserver son statut professionnel et son centre de formation.
Ce modèle de structuration du capital social apparaît comme un outil à la disposition des clubs pour obtenir rapidement de l’argent frais.
Le club de Sochaux n’est pas le premier club français à chercher à obtenir de nouvelles liquidités par l’entrée au capital de supporters, l’En Avant Guingamp a fait de même et s’est lui doté de socios appelés « Kalons ».
Le point commun entre les socios de ces deux clubs est la création d’une association de supporters. Les socios n’investissent donc pas directement dans le capital social du club, ils ne sont pas des actionnaires directs du club. Ils deviennent en revanche les membres d’une association qui elle, entre au capital.
L’entrée de capitaux dans le club passe alors par le paiement d’une cotisation annuelle par l’ensemble des membres de l’association actionnaire, qui investit ensuite cet argent dans le club.
La collectivité des socios est quant à elle représentée au sein du club par les représentants élus du bureau de l’association.
Ce modèle est bien différent de celui que l’on retrouve en Espagne dans plusieurs clubs comme le FC Barcelone ou le Real Madrid.
- La règle du 50 +1
L’on observe également un modèle selon lequel l’association de supporters est investisseur historique du club.
Il permet d’introduire une participation active des supporters à la gestion du club et au contrôle du club : c’est la règle des 50+1. Cette règle est de mise dans le championnat allemand depuis 1998 et s’impose à tous les clubs souhaitant participer à la Bundesliga.
Aux termes de celle-ci, il est interdit à un actionnaire, autre que l’association de supporters fondatrice d’un club, de détenir la majorité de ses parts. Cette règle est conçue de telle sorte à garantir un contrôle global du club par ses membres et limite l’influence d’investisseurs externes.
Les supporters disposent alors d’un droit de vote sur un certain nombre de points et notamment l’élection des présidents. Avec une majorité de 50% +1 des voix, ils ont un pouvoir de décision et permettent au club de rester relativement proche de leurs supporters et surtout accessible avec notamment des prix de billets attractifs.
Il faut souligner l’existence d’une exception à cette règle du 50+1 lorsque des investisseurs, autres que des associations de supporters, ont investis depuis plus de 20 ans dans le club. Ils sont alors autorisés à détenir plus de la moitié du capital social du club (quand bien même ils ne seraient pas une association de supporters).
Toutefois, cette règle souffre de nombreuses critiques. Certains estiment qu’elle enfreindrait le droit européen de la concurrence, d’autres que chaque club devrait pouvoir décider de l’ouverture ou non de son capital social à de nouveaux investisseurs, sous la forme et selon les modalités qu’il souhaite.
- Les prises de participations directes dans le capital des clubs par les supporters
Dans les clubs espagnols, le modèle type est celui du supporter-actionnaire, du socios, qui investit directement dans le capital social du club. Il permet alors de faire rentrer au capital du club un groupe homogène de supporters préalablement sélectionnés par le club aux moyens de critères objectifs.
Prenons l’exemple du FC Barcelone qui depuis 1912, possède des socios qui choisissent entre autres, le président du club.
Les socios du FC Barcelone sont un groupe de supporters très fermé qui investit directement dans le capital de club (et non par le biais d’une association). On compte environ 143 500 socios, tous catalans, tous entrés au capital du club grâce à un membre de leur famille.
Les socios font partie de l’essence même du club du FC Barcelone et lui permettent de rester bénéficiaire exercice après exercice. En effet, ces 143 500 socios payent chaque année la somme de 167 euros, représentant la somme de 18 millions d’euros à la fin de l’exercice social.
Ces 18 millions d’euros correspondent au montant du bénéfice net que réalise le club.
Contrairement aux socios du FC Sochaux-Montbéliard ou de l’En Avant Guingamp, les socios du FC Barcelone participent activement à la vie du club. Ils sont tous titulaires d’un droit de vote et l’élection du président du club leur est notamment réservée. Ils jouent alors un rôle essentiel dans la vie du club catalan.
Le FC Barcelone a également mis en place une autre forme de financement par le public, avec un autre type de supporters-actionnaires, ceux souscrivant à la « Committment card ». Cette carte permet à son titulaire d’investir dans le club et d’obtenir le statut de socios du FC Barcelone au bout de 3 ans (s’il remplit toutes les conditions pour obtenir cette qualité).
- La prise de participation directe par le grand public
Les clubs peuvent encore faire le choix d’une cotation en bourse, comme l’Olympique Lyonnais, seul club français de football aujourd’hui coté. Le club, ambitieux, envisagerait même une cotation prochaine sur le marché new-yorkais. Il a en outre récemment annoncé la finalisation d’un plan refinancement de sa dette, lui ouvrant la voie à une stabilité économique. Ce plan introduit à côté de ce financement par le public, de nouveaux types d’apports financiers. Il passera, en effet, par la création d’un fond commun de titrisation ainsi que par deux prêts obtenus auprès de banques internationales.
La cotation en bourse permet aux clubs d’obtenir des fonds sur les marchés financiers ainsi que des liquidités grâce aux investisseurs qui œuvrent sur ces marchés. Elle permet d’ouvrir le capital social du club au plus grand nombre.
Si l’Olympique Lyonnais est le seul club français à avoir fait le choix de l’introduction en bourse, d’autres clubs européens ont également privilégié cette option. C’est le cas, notamment, de l’AS Rome, de l’Ajax d’Amsterdam ou encore du Borussia Dortmund.
Ce mode de financement par le public permet d’importantes entrées de capitaux dans les clubs. Il permet à tout type de personne, supporter ou non, d’entrer dans le capital de la société et d’apporter des liquidités.
Le financement par le public des clubs de sport semble demeurer spécifique au monde du football et s’est, pour l’instant, relativement peu exporté vers d’autres sports.
Il faut toutefois souligner les quelques incursions de ce mode de financement dans le monde du rugby notamment, dont les clubs de Dax ou Brive constituent l’exemple.
En tout état de cause, les supporters actionnaires semblent être une garantie et une alternative au « footbusiness » dans la mesure où, quand bien même ils seraient minoritaires, ils pourraient apparaître comme une nouvelle forme de contrôle de la direction des clubs et de leur actionnariat, à l’image du FC Barcelone.