L’expérimentation du carton « orange » en rugby
C’est une mesure qui pourrait changer bien des choses dans le monde de l’ovalie. Une expérimentation est en cours dans l’hémisphère sud, consistant à remplacer l’exclusion définitive d’un joueur sanctionné d’un carton rouge par une exclusion temporaire de vingt minutes suivies de son remplacement par un autre joueur.
Il est certain que cette mesure aurait des effets non négligeables sur l’issue des matches. Prenons par exemple, le 8e de finale de la Champions Cup perdu par le Stade Toulousain en match aller contre l’Ulster. Pour mémoire, le trois-quarts toulousain Juan Cruz Mallia (défendu devant la Commission disciplinaire par Neil Robertson, avocat associé) a été définitivement exclu de la rencontre pour un contact négligent mais non intentionnel sur un joueur dont les pieds étaient décollés du sol. Il ne fait guère de doute que le match aurait été d’une autre tournure lorsque l’on sait que les Toulousains se sont inclinés seulement 20 à 26 en ayant joué 70 minutes à 14…
Motifs avancés par World Rugby pour défendre sa nouvelle règle : le refus de pénaliser l’équipe tout entière, la sauvegarde d’un jeu équilibré, ou encore la dénonciation de certains cartons rouges jugés trop sévères.
Néanmoins, cette mesure interroge dans un sport qui semble avoir pris conscience depuis plusieurs années maintenant, de la nécessité de protéger la santé des joueurs (surtout les commotions cérébrales, dont les effets à long terme inquiètent). Cela qui s’est traduit par un durcissement des sanctions avec l’usage plus fréquent du carton rouge et des sanctions disciplinaires plus importantes.
À titre d’exemple, le Règlement disciplinaire de World Rugby impose depuis quelques années un point d’entrée de degré moyen au minimum, pour tout acte de jeu jugé déloyal ayant débouché sur un contact avec la tête ou le cou. Ainsi, un placage dangereux avec contact à la tête sera automatiquement sanctionné d’une suspension d’au moins six semaines.
Dernièrement, World Rugby a même annoncé vouloir imposer un repos contraint pour les joueurs victimes de commotions (voir notre brève publiée ce mois-ci, « World Rugby introduit un repos obligatoire de plusieurs jours pour les joueurs victimes de commotions cérébrales »).
Les opposants à la nouvelle expérimentation dénoncent alors l’incohérence et le signal contradictoire envoyé aux joueurs, ainsi que le risque de voir augmenter les comportements dangereux que cela entraînerait.
Recherche du spectaculaire ou santé des joueurs ? Pour l’instant cette mesure divise dans l’hémisphère nord.
D’autres encore, comme Jeremy Davidson (manager du CA Brive), appellent à distinguer selon la gravité de l’acte sanctionné : conserver l’exclusion définitive pour les comportements véritablement dangereux et introduire une exclusion temporaire de vingt minutes pour les fautes significatives mais moins dangereuses. L’émergence du « carton orange » ?
Cette solution de compromis soulève toutefois de nouvelles difficultés, à commencer par distinguer ce qui mérite une exclusion définitive et ce qui mérite une exclusion seulement temporaire. Une difficulté supplémentaire, quand on sait qu’il est souvent reproché aux règles du rugby d’être trop complexes.