Cas d'étude
25/01/2024

Montage financier et intention frauduleuse

En quelques mots :

Notre cabinet d’avocats a assuré la défense d’une banque privée qui avait financé une opération immobilière non menée à son terme. Cet échec de l’opération avait amené la banque à prendre des mesures d’exécution forcée pour être remboursée du crédit octroyé. Les débiteurs ont alors fait valoir que la banque était fautive de soutien abusif, d’octroi d’un crédit inapproprié et d’un montage financier prétendument frauduleux. Demanderesse au départ, elle a ainsi été contrainte de se défendre face à une demande d’indemnisation de plusieurs dizaines de millions d’euros. Les débiteurs ont été intégralement déboutés de leurs demandes.

Contexte :

L’opération immobilière consistait à revendre par lots les murs d’un hôtel exploité sur la Côte d’Azur. Une société de participations financières (SOPARFI) avait été créée afin de détenir les parts d’une société détentrice, après acquisition, des murs et du fonds de l’hôtel. Ensuite les murs ont immédiatement été revendus à la SOPARFI, et le fonds à société d’exploitation nouvelle.  Afin de garantir son prêt, la banque avait pris une hypothèque en premier rang sur les murs de l’hôtel.

L’intérêt du litige :

La qualification de ruineux et inapproprié d’un crédit, reposait en l’espèce sur la prétendue occultation par la banque des risques économiques de l’opération, qui avait été conçue pour se réaliser dans des délais assez courts. Le Tribunal judiciaire, confirmé ensuite par la Cour d’appel, ont rejeté cette qualification, en retenant que la viabilité du projet avait été particulièrement étudiée. En l’espèce un rapport de valorisation de l’hôtel avait été commandé par la banque auprès d’un cabinet d’expertise de renom lequel confirmait la cohérence des chiffres avancés. Par ailleurs, en droit, et en vertu d’une jurisprudence bien établie, la viabilité d’un projet s’apprécie à la date de l’octroi du crédit et non en fonction du résultat obtenu .Ce litige a également soulevé la question de l’interdiction légale d’hypothéquer la chose d’autrui et celle de l’interdiction pour une société cible d’un rachat, de consentir une sûreté en vue de l’acquisition de ses propres titres. Il était en effet reproché à la banque d’être à l’origine d’un montage juridique frauduleux consistant à contourner ces interdictions, pour se faire consentir une hypothèque en garantie de son propre prêt. La chronologie des actes passés excluait toutefois une telle qualification : la société emprunteuse n’ayant consenti d’hypothèque à la banque qu’une fois le bien acquis.  

Conclusion :

La Cour fait une interprétation stricte de la loi en matière d’interdiction de montages financiers frauduleux, ce dont on ne peut que féliciter car cela renforce la prévisibilité des risques et la sécurité juridique des opérations de financement. Ce litige illustre rappelle par ailleurs, d’une part l’importance pour un établissement bancaire de ne pas s’immiscer dans le montage des projets financés, tout en veillant à vérifier leur licéité, et d’autre part, l’intérêt fondamental pour un établissement bancaire de documenter et conserver ses éléments d’appréciation du risque d’un financement.