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01/10/2025

Droit de la construction : garantie décennale - panneaux photovoltaïques

Civ. 3e, 25 sept. 2025, n° 23-22.955, FS-B : Par cet arrêt publié au Bulletin, la Cour de cassation est venue restreindre la mise en œuvre de la garantie décennale en présence d’une installation photovoltaïque défectueuse. Elle estime qu’il appartient au juge de vérifier si les « modules photovoltaïques » ne relèvent pas d’un équipement à usage exclusivement professionnel au sens de l’article 1792-7 du Code civil, indépendamment du fait que la structure de l’installation soit intégrée à la toiture.

panneaux photovoltaïques

Conformément à l’article 1792-7 du Code civil, ne sont pas considérés comme des éléments d'équipement d'un ouvrage permettant d’engager la responsabilité décennale, « les éléments d'équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage. »

Dans l’espèce soumise à la Cour de cassation, une unité de production d’énergie solaire comportant des panneaux photovoltaïques avait été installée sur le toit d’un bâtiment après dépose de la couverture initiale. L’installation comportait des modules reliés à des boîtiers intégrés par un système d’assemblage et de fixation de bacs en acier sur la charpente. À la suite de désordres affectant ces boîtiers, l’exploitante a assigné l’installateur et son assurance en réparation sur le fondement de la garantie décennale.

La Cour d'appel de Bordeaux saisie sur renvoi après cassation a fait droit à la demande en réparation en retenant que « l'installation photovoltaïque, intégrée dans la toiture par un système d'assemblage et de fixation des bacs en acier sur la charpente, constituait dans son ensemble un ouvrage de construction ayant pour fonction la production d'électricité mais également le clos et le couvert de l'immeuble. »

La Cour d’appel avait donc une approche globale de l’équipement photovoltaïque qu’elle qualifie dans son ensemble d’ouvrage de construction assurant le clos et le couvert de l’immeuble de sorte qu’elle a retenu la responsabilité décennale.

Le pourvoi reprochait à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché si les panneaux photovoltaïques, quoi qu’intégrés à la toiture « n'étaient qu'un élément d'équipement dont la fonction exclusive était de permettre l'exercice de l'activité professionnelle de la société BN Solaire, i.e la production et la revente d'électricité, dès lors que seuls les bacs aciers sur lesquels ils reposaient assuraient le clos, le couvert et l'étanchéité du bâtiment ».

La Cour de cassation censure partiellement les premiers juges au motif que la Cour n’avait pas recherché si « les modules photovoltaïques équipés des boîtiers de connexion défectueux, bien qu'intégrés à la nouvelle toiture composée de bacs en acier, ne constituaient pas des éléments d'équipement dépourvus de fonction de clos ou de couvert permettant exclusivement l'exercice d'une activité professionnelle de production et de vente d'énergie».

Ainsi et sur le fondement de l’article 1792-7 du Code civil, la Cour de cassation estime qu’il a lieu de rechercher si les modules photovoltaïques défectueuxne constituent pas des « éléments d’équipement dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage » lesquels sont exclus de la garantie décennale.

Il importe peu que la structure de l’équipement puisse assurer le clos et le couvert de l’immeuble si les modules photovoltaïques constituent des équipements à usage professionnel au sens de l’article 1792-7 du Code civil.

Ainsi, la Cour de cassation rejette l’approche globale de l’équipement photovoltaïque intégrée dans la toiture adoptée par les premiers juges et estime qu’il convient de distinguer ce qui relève de l’ouvrage (assurant le clos et le couvert) et ce qui est peut-être qualifié d’élément d’équipement professionnel au sens de l’article 1792-7 du Code civil.

Il en résulte donc une volonté de la Cour de cassation de ne plus retenir la garantie décennale en présence de modules photovoltaïques, quand bien même ceux-ci sont intégrés à l’ouvrage.

Cet arrêt nous semble toutefois soulever deux problématiques :

  • En premier lieu, la qualification d’équipement professionnel au sens de l’article 1792-7 du Code civil implique non seulement l’exclusion de l’application de la garantie décennale prévue à l’article 1792 du Code civil, mais également celle de la garantie biennale prévue à l’article 1792-3 du Code civil, ce qui est bien plus sévère. Si, en l’espèce, la Cour de cassation ne s’est pas prononcée spécifiquement sur un sinistre intervenu dans le délai de la garantie biennale, il conviendra de surveiller les arrêts à venir sur ce point.

  • En second lieu, l’article 1792-7 du Code civil vise spécifiquement les éléments d’équipement dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage. Or, en matière d’installation photovoltaïque, il est courant (sans vouloir faire de jeu de mot) que l’énergie produite par l’installation ne soit que partiellement destinée à l’activité exercée au sein de l’ouvrage, le surplus étant revendu à EDF. Dans certaines hypothèse – on pense notamment au secteur de l’agrivoltaïsme ainsi qu’aux installations placées au-dessus de parkings – c’est même la totalité de l’énergie produite qui peut être revendue. Dans ces circonstances, il est difficile de considérer que les critères de l’article 1792-7 du Code civil sont remplis.

Cette décision a donc un impact très lourd et soulève de nouvelles questions dont les plaideurs ne manquerons pas de s’emparer dans les années à venir, tant la pratique de l’installation de panneaux photovoltaïques sur des ouvrages existant est en plein essort et que les dysfonctionnements affectant ces panneaux sont fréquents...

Civ. 3e, 25 sept. 2025, n° 23-22.955, FS-B


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