Par une décision du 13 mars 2025 (n° 23-20.390), la troisième chambre civile de la Cour de cassation consacre l’autonomie de l’action des candidats évincés lors d’une décision de rétrocession de parcelles par la Société d'Aménagement Foncier et d'Établissement Rural (SAFER).

Cette décision mérite attention en ce qu'elle clarifie les conditions d'exercice du droit de recours individuel des candidats évincés, même lorsque ceux-ci ont formulé une candidature conjointe. La Cour de cassation affirme ainsi que "la mention que son projet d'acquisition de l'ensemble des parcelles au prix demandé est commun à celui d'un autre candidat ne prive pas un candidat de la qualité pour agir seul en annulation de la décision de rétrocession à un tiers et de ses actes subséquents".
Le contentieux trouvait son origine dans un appel à candidatures lancé par la SAFER Auvergne Rhône-Alpes pour l'attribution de parcelles agricoles. Deux candidats avaient présenté une offre commune d'acquisition par moitié en remplissant chacun une fiche de candidature. La SAFER ayant finalement attribué les terres à une société civile immobilière tierce, l'un des candidats évincés avait contesté seul cette décision. Reprenant les arguments de la SAFER qui avait soulevé une fin de non-recevoir tirée d’un défaut de qualité à agir, la Cour d'appel de Grenoble avait déclaré son action irrecevable, estimant qu'ayant formalisé une candidature conjointe, il ne pouvait agir individuellement.
La Haute juridiction, rappelant les dispositions des articles L.143-14 et R.142-1 du Code rural et de la pêche maritime, consacre une interprétation extensive de la qualité à agir des candidats en affirmant qu’ « il résulte de ces textes que la décision de rétrocession de parcelles acquises à l’amiable par une SAFER peut faire l’objet d’un recours par tout candidat à cette rétrocession ». Cette solution s'inscrit dans une jurisprudence constante visant à garantir l'effectivité du contrôle juridictionnel sur les opérations des SAFER, acteurs essentiels de la politique d'aménagement foncier rural.
Cette interprétation favorable à l’exercice effectif du droit au recours est d’autant plus bienvenue que les décisions de rétrocession représentent un enjeu économique considérable pour les candidats évincés. Elle évite également les situations de blocage où un candidat pourrait se voir privé de tout recours par l'inaction de son partenaire. Elle confirme que le caractère conjoint d'une candidature n'affecte en rien l'intérêt individuel à agir de chacun des candidats concernés.
Cette décision rappelle l'importance accordée par la Cour de cassation à la transparence des opérations foncières et à l'accès au juge en matière rurale. Elle incite également à la prudence les bénéficiaires des décisions de rétrocession face au risque de contestations.