Pacte Dutreil – La location meublée ne constitue pas une activité exclue du bénéfice du régime Dutreil
Le pacte Dutreil est un outil fiscal particulièrement utilisé pour faciliter les transmissions intergénérationnelles d’entreprises familiales, puisqu’il permet aux donataires ou héritiers de bénéficier d’une exonération de leurs droits de donation ou succession à hauteur de 75% de la valeur des biens transmis, en application de l’article 787 B du CGI.
Toutefois, en contrepartie de cet avantage fiscal, les conditions à respecter sont nombreuses, parmi lesquelles celle prévoyant que la société dont les titres font l’objet du pacte doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
Les sociétés exerçant une activité civile sont donc exclues du bénéfice de ce régime. Constituent notamment des activités civiles les gestions patrimoniales de biens mobiliers ou immobiliers.
C’est le sens des commentaires administratifs BOFiP, qui précisent que « pour l’appréciation de la nature de l’activité, il est admis de se reporter aux indications données dans la documentation afférente à la détermination de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière » et que, par conséquent, « sont considérées comme activités commerciales les activités mentionnées à l’article 34 du CGI et à l’article 35 du CGI, à l’exclusion des activités de gestion par une société de son propre patrimoine immobilier. » (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 § 15)
La jurisprudence vient toutefois d’apporter un tempérament significatif à ce principe pour certaines activités immobilières.
Le Conseil d’État, saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre ce BOFiP, estime en effet que le fait de donner habituellement en location des locaux d’habitation meublés ne saurait être systématiquement regardé, pour l’application de la loi fiscale, comme une activité civile dépourvue de caractère commercial.
Le juge appuie sa position en arguant du fait que « si le législateur a précisé que, pour l’application des dispositions relatives à l’impôt sur la fortune immobilière, comme pour d’autres régimes fiscaux, une activité de gestion de son propre patrimoine immobilier n’est pas considérée comme une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, aucune disposition de portée similaire ne permet, en revanche, de dénier de manière générale à la location de locaux meublés à usage d’habitation le caractère d’activité commerciale au sens des articles 787 B et 787 C du CGI. »
Par conséquent, le régime Dutreil est désormais accessible aux sociétés exerçant de manière habituelle une activité de location meublée.
Cet arrêt va dans le sens d’une autre jurisprudence récente, rendue par la Cour de cassation le 1er juin dernier, qui a admis qu’« il résulte de l’article 35, I-5° que constitue une activité commerciale l’activité de loueur d’établissements commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires à leur exploitation, que la location comprenne, ou non, tout ou partie des éléments incorporels du fonds de commerce ou d’industrie. » et que, par conséquent, cette activité est éligible au régime Dutreil.
Ces deux arrêts de principe élargissent donc significativement le champ d’application de l’exonération « pacte Dutreil ».
A l’occasion de la loi de finances pour 2024, il est probable que le législateur viendra apporter des précisions dans le texte de loi quant à la définition des activités éligibles. Nous vous tiendrons informés de ces modifications à venir.
Conseil d’État, 8ème – 3ème chambres réunies, 29/09/2023, 473972
Cour de cassation, chambre commerciale, 01/06/2023, 22-15.152 FD