Rupture brutale du mandat de syndic de copropriété
EN QUELQUES MOTS :
Nos avocats ont accompagné un syndic de copropriété dans un litige portant sur la résiliation de son mandat.
CONTEXTE :
Notre cliente est une société ayant pour activité l’administration et la gestion de tous biens immobiliers. A ce titre, elle exerce notamment une activité de syndic de copropriété.
Dans le cadre de cette activité, elle a été titulaire d’une succession de mandats de syndic portant sur un immeuble situé dans Paris, et ce sans interruption pendant plus de trente ans.
LES FAITS :
Lors de l’assemblée générale de 2017 portant sur cet immeuble, le mandat du syndic en place avait été renouvelé pour une durée déterminée de 24 mois, expirant le 31 décembre 2018.
C’est dans ces circonstances que, lors de l’assemblée générale des copropriétaires se tenant au mois de juin 2018, le Syndicat Des Copropriétaires (ci-après le « SDC ») procédait à la mise en concurrence triennale obligatoire de plusieurs projets de contrats de syndic, tel que prévu par l’article 21 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.
Ainsi, au cours de cette assemblée, le SDC a non seulement décidé de ne pas renouveler le mandat du syndic en place depuis plus de trente ans, mais également de désigner immédiatement une autre société en qualité de nouveau syndic de l’immeuble.
Compte-tenu des dispositions de l’article 18 V de la même loi du 10 juillet 1965, tel que modifié par la loi ALUR du 24 mars 2014, cette désignation valait révocation du syndic existant à compter de la prise de fonction de nouveau syndic, à savoir en l’espèce, au jour même de l’assemblée générale.
Or, il convient de souligner que le mandat du syndic en place prévoyait que le SDC ne pourrait résilier ce contrat que pour « motif grave et légitime ».
Dès lors, afin de compenser le préjudice subi par cette résiliation, le syndic ainsi révoqué a, de lui-même, prélevé les honoraires de gestion dus pour les périodes du 3ème et du 4ème trimestre 2018.
Non content de cette situation, le SDC a assigné son ancien syndic aux fins d’obtenir le remboursement des sommes ainsi prélevées, outre les intérêts légaux et une somme au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Dans son assignation, le SDC s’appuyait sur la combinaison des articles 18 V et 21 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 pour prétendre qu’en cas de résiliation du mandat d’un syndic à l’occasion d’une mise en concurrence légale obligatoire, celui-ci n’aurait droit à aucune compensation résultant du fait du caractère anticipé de cette résiliation.
De notre côté, nous avons soutenu que ces deux textes n’écartaient aucunement l’indemnisation du syndic évincé de manière anticipée, sans le moindre motif et que, dès lors, le syndic évincé était en droit de percevoir une indemnité compensatrice du préjudice subi à l’issue de cette résiliation brutale et abusive, équivalente au solde de ses honoraires jusqu’au terme de son mandat.
CONCLUSION :
Le tribunal a suivi notre argumentation et a considéré que la révocation abusive du contrat permettait au syndic révoqué d’obtenir des dommages et intérêts. En cas d’action en justice, il appartenait donc au SDC de rapporter la preuve d’un motif sérieux ou d’un manquement du syndic à ses obligations de nature à justifier sa révocation à un date anticipée, sans indemnité.
Le SDC a donc été débouté de l’intégralité de ses demandes et a également été condamné à verser au syndic évincé une indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les dépens.
L’AVIS BIGNON LEBRAY :
De manière générale, il peut être assez risqué de « se faire justice soi-même » dans le cadre de litiges contractuels, cette attitude étant très souvent mal perçue par les tribunaux.
Cela étant précisé, au vu des délai auxquels sont aujourd’hui contraints les justiciables face aux tribunaux français, et au besoin de trésorerie que peuvent avoir certaines entreprises, une telle situation peut parfois s’avérer utile.
Notre rôle, en tant qu’avocat, est de mesurer au mieux le risque raisonnable encouru par le client et de lui permettre de protéger ses intérêts, tant juridiques qu’économiques.
Du reste, si le SDC avait pensé à voter que la désignation du nouveau syndic prendrait effet à la fin du mandat du syndic en place, tout le monde aurait pu éviter ce litige.